Sujet : Les mecs en soirée
1 - Le décalé
Pas de chance, lui il a attaqué la soirée un peu trop tôt et arrive sur place avec un verre d’avance. C’est rien un verre, il a prévu d’en enquiller pas mal d’autres dans la foulée alors c’est pas un malheureux petit godet qui va lui casser le moral. Au début tout va bien, il est super joyeux, parle à tout le monde, se sent drôle, sociable… Et ça le saoule parce que les gens sont mous. Il serre des canons à tout le monde, essaye de mettre l’ambiance. Et là c’est le drame, prise de conscience difficile : il est bourré. Il le sait, il sent… Tous ceux qui ont assisté à ce spectacle vous le diront, c’est moche. Ca fait penser à la minute de lucidité d’un malade d’Alzheimer, d’un coup il le sait, pour lui la soirée est finie. Il sent tous les regards se poser sur lui, il est saoul et tout le monde le sait. Il tente de rester digne et de participer aux conversations comme si de rien n’était, mais il se trahit en permanence : il rigole à contre temps, parle trop fort, trébuche comme un con sans raison… Il tente des manœuvres : passage de tête sous l’eau, petite promenade à l’air frais (« je vais acheter des clopes »), jusqu’à l’ultime café noir avec du gros sel qui lui colle la gerbe en prime. Et ce putain de verre d’avance il va le trainer toute la soirée, déambulant comme un connard, cherchant quelqu’un à qui parler. En général il s’écroule après un bref coït sur le babyfoot.
2 - Le tueur
Pour lui la soirée a commencé dès 8h du matin, préparation tant physique que morale parce que le mental c’est primordial. Ce soir, il fourre. Petit-déjeuner léger, fruits et musli, suivi d’une longue séance de muscu qui lui fait la silhouette métrosexuelle à la mode : un gros biceps tout mou sur un long bras fin et des épaules rachitiques. La classe. Dans l’aprem il fait les boutiques, des Clarks moches à 200 € et le petit polo Ralph Lauren rose qui va bien pour mouler ses pectoraux pointus. Dans la soirée il se prépare, trois tonnes de gel sur la gueule et assez de Axe pour schlinguer à 100m.
Arrivé en soiré, il boit direct une Smirnoff Ice ou un Malibu et est le premier sur le danse floor. Toute la nuit il cherche une nana avec des standards baissant au file des heures. En général il termine la soirée avec une grosse moche morte bourrée à l’arrière de sa polo ou se faisant meuler la gueule par le rugbyman de service pour avoir un peu trop collé sa meuf.
3-le Hors-Sujet
Le Hors-Sujet n’a pas de chance, il débarque systématiquement dans une soirée à l’ambiance radicalement différente de ce à quoi il s’attendait. En général ça part d’un bête malentendu, une invitation anodine : « passe prendre un verre demain ». Saut que le Hors-Sujet, il a attaqué la soirée ailleurs et quand il se pointe, c’est sur les coups de une heure du mat’ et accompagné de dix potes dont la moitié a été rencontrée le soir même. Quand il sonne, le pauvre type qui a commis l’erreur de l’inviter finissait tout juste le repas avec ses beaux-parents et en était aux cafés (« un déca sinon je vais jamais pouvoir dormir ! »). Mal à l’aise des deux côtés donc, parce que le Hors-Sujet n’a pas arrêté de vanter son vieux pote qu’il n’a pas revu depuis le service militaire et celui-ci ne s’attendait pas forcément à ce que l’on hurle « salut Dédé gros chibre » pour le saluer. Pour tenter le compromis, il sort la poire pour « boire un petit coup avant d’aller dormir » et l’eau de vie de son oncle, avec la tête de serpent dans la bouteille, se fait siffler en 5mn. Le Hors-Sujet est bourré il ne comprend rien et ne se barre pas avant qu’un de ses potes ne casse un truc ou vomisse dans le lavabo.
4 - L’occasionnel
Lui ne fait jamais la fête, il ne boit pas, ne sort pas… Rien de bien grave après tout puisqu’il a d’autres passions. Il est notamment responsable du pôle photocopieuse du bureau des élèves de son école d’ingénieur, un poste qui fera bien sur son CV quand il sera amené à passer un entretien. Plutôt discret, il ne se sent pas super à l’aise en public. Pourtant ce soir il se lâche : c’est la soirée jumelée avec l’école d’infirmière préparée avec soin pour tenter de pour une fois faire passer le taux de nana au dessus des 5%. Dès son entrée dans la boite, il va vers l’open bar et goute à la vodka caramel. Il commence à avoir chaud, il se sent bien, surpuissant : ce soir, il est le roi de la fête. Il va déchirer le dancefloor avec ses potes du club robotique, ils font la chenille et chantent des chansons paillardes. « Chope chope chope ! ». Il se sent pousser des ailes et se rapproche du banc de trois nanas qui tentent de se tenir à l’écart des 79 mecs morts de faim qui les zieutent depuis le début de la soirée. Elles ont pas l’air rassurées, genre la main dans le sac à main, prêtes à sortir le taser. « Salut tu veux danser ». Paf quatre litres de salive marron (rapport à la vodka caramel) partent avec la phrase. La nana, gentille mais pas assistante sociale non plus, le rembarre poliment tout en cherchant des kleenex dans son sac à main. Blessé mais pas encore mort, notre ami l’occasionnel continue sa quête spirituel au fond de la sangria. Pour lui la soirée est bientôt terminée, tout juste le temps de tenter d’embrasser sa compagnonne de TP à qui il n’a jamais réussi à parler en la regardant dans les yeux et voila qu’il pose une grosse plaque liquide dans les escaliers qui mènent aux toilettes. Il se fait vider proprement et claque 30€ pour rentrer en taxi.
5 - Le vrai alcoolique
Celui-là c’est surement le plus glauque de tous. En soi, il n’est pas drôle, pas intéressant, n’a rien à dire, mais pour une raison inconnue, il est communément admis qu’il est cool. Quelle que soit l’occasion, il est là, son verre à la main et il picole toute la soirée. Jamais il ne faillit, jamais il ne dit de connerie, jamais il ne devient relou ou violent à cause de l’alcool. Il picole tranquillement dans son coin comme il le ferait seul dans sa chambre s’il n’y avait pas d’occasion spéciale. Régulièrement quelqu’un vient lui taper sur l’épaule pour lui raconter une connerie parce que c’est tellement funky un jeune alcoolique, avec sa bonne tronche de gremlins toute plissée qu’on dirait Jean Louis Borloo. Quand il a son compte, il rentre chez lui tranquillement sans tituber et boit une dernière vodka pour réussir à dormir.