Le thread du bordel en Ukraine (Page 34 sur 185)

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Juste avant le début des Jeux olympiques d'hiver à Pékin, les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping ont publié une déclaration commune sur les relations internationales et sur la coopération entre la Chine et la Russie.

C'est un document d'environ 10 pages qui arrive à un moment de grandes tensions avec l'OTAN au sujet de l'Ukraine et d'un boycott diplomatique des Jeux d'hiver.

Le texte peut être lu comme un plaidoyer pour un nouvel ordre mondial dans lequel les États-Unis et leurs alliés ne sont plus aux commandes, mais dans lequel l'objectif est de créer un monde multipolaire, dans le respect de la souveraineté des pays.

« Les parties s'opposent à un nouvel élargissement de l'OTAN et appellent l'Alliance de l'Atlantique Nord à abandonner ses approches idéologisées de la guerre froide, à respecter la souveraineté, la sécurité et les intérêts des autres pays, la diversité de leurs origines civilisationnelles, culturelles et historiques et à adopter une attitude juste et objective à l'égard du développement pacifique des autres États », peut-on lire.

Des signaux similaires ont été envoyés dans le passé, comme une déclaration commune en 1997, mais c'est la première fois que les deux présidents s'expriment aussi clairement et renforcent leurs liens si étroitement. C'est aussi la première fois que la Chine s'exprime explicitement contre l'élargissement de l'OTAN.

Pour comprendre la portée de ce document, il est utile de revenir sur l'histoire récente.

Hégémonie

D'une part, la première moitié du 20ème siècle a vu l'émergence de deux nouvelles superpuissances: les États-Unis et l'URSS. D'autre part, il y a eu le déclin relatif des anciennes puissances coloniales.

Les États-Unis sont sortis victorieux de la Seconde Guerre mondiale. Les anciennes superpuissances et l'URSS étaient complètement brisées. Washington rêvait d'un nouvel ordre mondial et d'un contrôle exclusif.

« Chercher un pouvoir moins que prépondérant serait opter pour la défaite », a déclaré Paul Nitze, conseiller principal du gouvernement américain. Hélas, ces plans ont été contrecarrés par la reconstruction rapide de l'URSS et la rupture du monopole nucléaire américain.

Après la guerre froide, les États-Unis sont finalement devenus le leader incontesté de la politique mondiale et ont voulu le garder ainsi. Un demi-siècle plus tard, ce rêve est devenu réalité avec la chute du mur de Berlin en 1989 et le démantèlement de l'URSS deux ans plus tard. Désormais, il n'y avait plus d'obstacles à l'hégémonie.

En 1992, le Pentagone ne laissait aucun doute : « Notre premier objectif est d'empêcher la réémergence d'un nouveau rival... Nous devons maintenir les mécanismes permettant de dissuader les concurrents potentiels d'aspirer même à un rôle régional ou mondial plus important. »

À cette époque, les États-Unis ne voyaient encore aucune raison de surveiller de près la Chine. L'économie chinoise était assez sous-développée et son PIB ne représentait qu'un tiers de celui des États-Unis.

Militairement, le pays était également très faible. Au cours de cette période, Washington considérait principalement l'Europe comme un rival potentiel et s'inquiétait de la possible résurrection de la Russie.

Débridé

Après la chute de l'URSS, les États-Unis ont opté pour une puissance débridée. L'invasion du Panama à la fin de 1989 a été un premier exercice pour ce qui allait suivre. Peu de temps après, la guerre est arrivée en Irak, en Yougoslavie et en Somalie - l'Afghanistan, le Yémen, la Libye et la Syrie allaient suivre peu de temps après.

En plus des interventions militaires ouvertes, les États-Unis ont également mené de plus en plus de guerres hybrides ou de révolutions de couleur pour mettre en œuvre des changements de régime, qui ont échoué partout.

Ils l'ont fait au Brésil, en Bolivie, au Venezuela, à Cuba, au Honduras, au Nicaragua, en Géorgie, en Ukraine, au Kirghizistan, au Liban et en Biélorussie. En outre, plus de 20 pays ont fait l'objet de sanctions économiques.

L'OTAN, créée pour consacrer militairement la suprématie américaine, a également été progressivement élargie après le démantèlement de l'URSS.

Depuis les années 1990, 14 États du continent européen ont adhéré à l'organisation du traité. D'autres pays comme la Colombie sont devenus des « partenaires » de l'OTAN.

Contenir la Chine

Les États-Unis semblaient donc avoir le monde pour eux-mêmes après la guerre froide, mais la Chine est ensuite entrée en scène. Pour la première fois dans l'histoire récente, un pays pauvre et sous-développé s'est élevé en un rien de temps pour devenir une superpuissance économique.

Au cours des 30 dernières années, la Chine a connu une expansion économique remarquable. Depuis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 2001, l'économie chinoise a plus que quadruplé. Le bond en avant n'était pas seulement économique mais aussi technologique.

Jusqu'à récemment, l'Occident, dirigé par les États-Unis, avait un monopole absolu sur la technologie, les armes de destruction massive, les systèmes monétaires et financiers, l'accès aux ressources naturelles et les communications de masse.

Avec ce monopole, il pourrait contrôler ou subjuguer des pays, en particulier ceux du Sud. L'Occident et les États-Unis, leur gendarme mondial, risquent de perdre ce monopole maintenant.

C'est pourquoi les États-Unis ont maintenant identifié la Chine comme son principal ennemi. Dans le contexte des négociations sur le budget 2019, le Congrès a déclaré que « la concurrence stratégique à long terme avec la Chine est une priorité absolue pour les États-Unis ».

C'est une stratégie globale qui doit être poursuivie sur plusieurs fronts. Les États-Unis tentent de contrecarrer l'ascension économique et technologique de la Chine ou, comme on dit, de « l'émousser ».

Si nécessaire, cela se fera avec des ressources extra-économiques. La stratégie militaire à l'égard de la Chine suit deux voies : une course aux armements et un encerclement du pays.

Les États-Unis ont plus de 30 bases militaires, centres de soutien ou de formation dans tout le pays. Soixante pour cent de l'ensemble de la flotte est stationnée dans la région. Ce confinement militaire dure depuis des années.

En avril 2020, le Pentagone a publié un nouveau rapport préconisant une militarisation accrue de la région. Le plan est d'installer des missiles balistiques à distance dans ses propres bases militaires ou celles de ses alliés.

Si vous installez également des missiles de croisière sur des sous-marins, vous pouvez frapper la Chine continentale en 15 minutes. Il s'agit là d'évolutions particulièrement dangereuses.

Dans le cadre de cette stratégie de piégeage, le Pentagone renforce également ses liens militaires avec les pays de la région. En 2021, les États-Unis ont signé un pacte de sécurité avec l'Australie et la Grande-Bretagne pour l'endiguement de la Chine.

Assez c'est assez

Poutine et Xi en ont assez de tout cela. L'avancée vers l'est de l'OTAN, la guerre militaire et hybride croissante dans le monde entier, les nombreuses sanctions économiques et l'encerclement de la Chine, tout cela doit cesser.

Fini (aussi) le temps où l'OTAN, le G7 et le Fonds monétaire international dominé par l'Occident continuaient à tenir les rênes. Le monde unipolaire doit faire place à un monde multipolaire.

L'agression croissante contre les deux pays pousse la Chine et la Russie dans les bras l'une de l'autre.

La Chine abrite près d'un cinquième de la population mondiale, est une puissance économique mondiale et est le partenaire commercial le plus important d'une majorité de pays. La Russie est le plus grand pays du monde et est une superpuissance nucléaire.

Une alliance entre ces deux pays est un sérieux contrepoids à la suprématie américaine. Selon le Guardian : « la naissance de cet axe sino-russe, conçu en opposition aux démocraties occidentales dirigées par les États-Unis, est le développement stratégique le plus important au niveau mondial depuis l'effondrement de l'URSS il y a 30 ans. Cela définira l'âge à venir. »

Mais il ne s'agit pas seulement de ces deux pays. La Russie est membre de plusieurs alliances régionales et multinationales. L'une d'entre elles, une alliance militaire, est l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui participe actuellement à des « opérations de maintien de la paix » au Kazakhstan.

Une autre est l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui est une alliance politique, économique et sécuritaire eurasienne. Outre la Russie et la Chine, l'Inde et le Pakistan en sont également membres.

La Chine a récemment rejoint le plus grand partenariat économique au monde, le Partenariat économique régional global (RCEP). Ce partenariat en Asie du Sud-Est représente 30 % de la population mondiale.

La nouvelle Route de la Soie représente 900 milliards de dollars d'investissements, de prêts, d'accords commerciaux et de dizaines de zones économiques spéciales. Ils sont répartis dans 72 pays, représentant une population d'environ cinq milliards de personnes, soit 65 % de la population mondiale.

Nouvel ordre mondial ?

Avec son essai « La fin de l'histoire et le dernier homme », peu après la chute du mur de Berlin, Francis Fukuyama a annoncé une nouvelle ère basée sur l'hégémonie occidentale.

Les débâcles en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye et au Yémen, entre autres, montrent que c'était une vantardise qui reflétait beaucoup d'orgueil.

Une alliance entre la Chine et la Russie est un contrepoids important à la suprématie américaine.

Si l'alliance nouvellement formée se consolide et que d'autres pays la rejoignent, cette fois-ci, nous pourrions bien être à l'aube d'une nouvelle ère.

Pas la fin de l'histoire, mais le début d'une nouvelle étape, dans laquelle le pouvoir dans le monde est plus décentralisé - un nouvel ordre mondial.

Nous vivons à une époque prometteuse pour être excitante, mais aussi dangereuse. Plus que jamais, nous avons besoin d'un mouvement pacifiste fort.