« De plus en plus de jeunes pêchent au cœur des villes »
Depuis les confinements, le « street fishing » attire de plus en plus de jeunes tandis que de nouvelles pratiques se développent, portées par Instagram, explique Benoît Lefebvre, de la Fédération nationale de la pêche en France.
Par Margherita Nasi
Publié hier à 18h00, mis à jour à 12h25
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Un pêcheur, à Paris en novembre 2020.
Un pêcheur, à Paris en novembre 2020. JOEL SAGET / AFP
Il ne faut plus attendre la retraite pour assumer de porter un bob kaki et son gilet sans manches : portable à la main et des leurres plein les poches, de plus en plus de jeunes pratiquent cette activité. Sur TikTok, les vidéos #fishing cumulent plus de 80 milliards de vues. Benoît Lefebvre, chargé de développement loisir pêche à la Fédération nationale de la pêche en France, analyse le profil et les attentes de cette nouvelle génération de pêcheurs.
Qu’est-ce qui a contribué à populariser la pêche parmi les jeunes ?
La pêche se pratiquant en plein air, elle n’a pas été trop touchée par les mesures de restriction pendant les confinements. Entre fin 2019 et 2021, nous avons constaté une augmentation de nos adhérents : + 3 %. L’engouement est particulièrement marqué chez les moins de 18 ans : + 7 % sur la même période. Ils représentent désormais 22,5 % de notre communauté. Nous n’avons pas de chiffres en ce qui concerne les jeunes adultes, mais ils sont tout aussi concernés par le regain d’intérêt pour cette activité. On en voit de plus en plus partir à la pêche au cœur des villes, sur les quais de Seine à Paris par exemple, pour renouer avec la nature. C’est ce qu’on appelle le street fishing, une pratique démocratisée par les réseaux sociaux et facile d’accès car elle demande très peu de matériel. Il suffit d’avoir une canne et un leurre, une imitation de poisson en plastique, qu’il faut animer pour tromper le poisson. La pêche au feeder marche bien aussi. Destinée à la prise de poissons blancs comme les carpes, les brèmes ou les gardons, elle séduit par son côté ludique et visuel. On attrape pas mal de poissons, il y a de l’action. La nouvelle génération modernise la pêche : fini le grand-père solitaire et immobile, on est actifs, on arpente les quais entre amis, avec un petit côté « traque ».
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Comment accompagnez-vous cette nouvelle génération de pêcheurs ?
Nous préparons des tournois à destination des jeunes, avec par exemple des compétitions au niveau départemental de pêche au leurre, pour qu’ils puissent se rencontrer et se mesurer dans le cadre d’événements festifs. Il existe déjà, au niveau européen, des concours qui abordent cette technique, et qui donnent lieu à des diffusions sur les réseaux sociaux, avec chaque semaine un nouvel épisode, comme une série télé. On développe aussi notre réseau d’ateliers « pêche nature », l’équivalent d’une école pour découvrir les techniques de pêche. Les néopêcheurs peuvent prendre contact avec les fédérations départementales pour participer à ces ateliers : pour pêcher, il faut bien connaître l’environnement, savoir comment vit le poisson, où il s’abrite, où il mange…
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Ces nouveaux pêcheurs font-ils évoluer la pratique ?
Les jeunes s’inspirent de ce qui se fait dans d’autres pays : ils ont rendu populaires des techniques japonaises d’animation du leurre. Ils ont également tendance à moins consommer le poisson. L’avantage de la pêche par rapport à la chasse c’est qu’on peut soit tuer le poisson, mais aussi le relâcher dans l’eau une fois qu’il a été pêché. Les jeunes importent dans la pêche urbaine les codes qu’on retrouve dans le style vestimentaire streetwear : ils vont s’identifier à une marque, pêchant exclusivement avec ses leurres, avec un petit côté identitaire.
D’ailleurs, les marques jouent le jeu, chacune a son influenceur, qui défend ses produits, notamment dans le cadre des compétitions européennes. Enfin, les jeunes utilisent les réseaux sociaux pour démocratiser une pratique qui n’est pas forcément facile d’accès car elle demande pas mal de connaissances techniques. On peut citer le jeune youtubeur Bar D’écume : ses vidéos sur la pêche sportive en eau douce et en mer sont suivies par 135 000 personnes.
Margherita Nasi