La mort du commissaire René Lacroix à Lyon
La mort qui cause le plus de retentissement est celle du commissaire René Lacroixh, à Lyon dans la nuit du 24 mai. Selon les dires de la police (qui se révéleront faux, deux ans plus tard, lors du procès Raton et Munch) il est mort « écrasé par un camion dont la pédale d'accélérateur est bloquée »22. En 2008, lors des 40 ans de Mai 68, un témoin affirme avoir vu « ce camion envoyé de derrière. Il a foncé tout droit puis a calé devant la première rangée de forces de l'ordre. La pierre sur l'accélérateur avait certainement sauté », sans écraser quiconque62.
Dans leur rapport d'autopsie publié dans le Bulletin de médecine légale et de toxicologie médicale de novembre et décembre 1970, les docteurs Védrinne et Vitani, médecins légistes, confirment les constatations du docteur Louis-Paul Rousset, chirurgien de garde à l'hôpital Édouard-Herriot de Lyon : ce document de médecine légale, qui précise l'étendue et la gravité des lésions, permet d'affirmer que le décès du commissaire Lacroix est bien consécutif à un choc traumatique et hémorragique secondaire à l'écrasement dont il a été victime.
Cependant, ces conclusions des médecins légistes font l'objet de controverses en 1970 lors du procès de Raton et Munch, accusés d'être à l'origine de la mort du commissaire Lacroix. Ce procès est le théâtre d'un énorme rebondissement le dernier jour : le témoignage du docteur Grammont, l'interne de l'hôpital Édouard-Herriot qui s'est chargé du commissaire Lacroix et qui a conclu à un infarctus62. « Ce médecin avait lu dans les journaux que le commissaire avait été renversé par le camion, ce qui lui avait brisé plusieurs côtes. Du coup, il avait décidé de venir spontanément à la barre pour dire que c’était faux et que le policier présentait tous les signes d’un infarctus »63. Selon le docteur Grammont, alors interne de l'hôpital et qui s'est chargé du commissaire Lacroix aux urgences, le commissaire Lacroix est mort d'une crise cardiaque plus d'une heure après son arrivée aux urgences de l'hôpital Édouard-Herriot : « Le commissaire venait d'avoir un infarctus. C'est en lui faisant un massage cardiaque, que je lui ai cassé plusieurs côtes. Sur les électrocardiogrammes, on doit voir qu'il est mort d'un infarctus, mais ces preuves ont disparu »62.
Le 26 septembre 1970, Raton et Munch sont relaxés63,64.
Le décès du commissaire Lacroix constitue un basculement dans la perception des évènements par la population et va entrainer la division de la gauche, notamment à travers la désolidarisation du PCF et de la CGT de la manifestation.
« Les étudiants n’apparaissent plus comme les victimes d’une répression policière excessive, mais comme les responsables d’une violence meurtrière »65.