Sujet : Mega troll d'outre-mer.
«La seule chose qui distingue le Canada des États-Unis est le Québec» ( Jacques Attali)
François Cardinal
La Presse
Mont-TremblantLe Canada s'américanise dangereusement depuis quelques années. Tellement, que la seule chose qui différencie aujourd'hui le Canada des États-Unis est la présence du Québec, selon Jacques Attali, ancien conseiller du président français François Mitterrand.
En entrevue avec La Presse en marge d'une conférence d'envergure sur l'avenir du Canada qui se tient à Mont-Tremblant, le fondateur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement s'est fait cinglant en parlant de l'orientation que privilégie de plus en plus le pays.
Quelques minutes plus tôt, devant un parterre composé du gratin fédéraliste, anciens ministres, députés, manges merde d'avocat, hommes d'affaires, universitaires, M. Attali s'est fait provocateur: «Je ne veux pas me mêler de politique intérieure canadienne, mais il me semble que la seule chose qui distingue le Canada des États-Unis est le Québec.» La réaction, pour le moins, a été glaciale. Des huées se sont même fait entendre.
États-Unis bilingues
«Vu de loin, qu'est-ce que le Canada au juste? Des États-Unis bilingues, a précisé M. Attali en entrevue. Le Québec apporte une dimension plus européenne au Canada et lui permet donc davantage de se penser comme une société qui a un processus de solidarité plus avancé que les États-Unis.»
«Sans le Québec, l'identité canadienne serait beaucoup plus difficile à définir par rapport au reste de l'Amérique du Nord, a-t-il ajouté. De toute façon, il n'y aura pas d'identité canadienne tant qu'il n'y aura pas de Canadian dream reconnu par tous.»
Les anciens ministres libéraux John Manley et Ann McLellan, coprésidents de la conférence Canada 2020 (un groupe de réflexion fédéraliste), se sont aussitôt dissociés de ces propos.
«C'est toujours un défi pour le Canada de garder une sorte d'indépendance, a indiqué M. Manley. Surtout que l'influence des médias américains, de la télévision, du cinéma est très grande. Le Québec est certes une différence importante, mais elle n'est pas seule. Les valeurs et attitudes des Canadiens sont très différentes de celles des Américains.»
«Je crois que notre parti pris pour le multiculturalisme nous rend aussi différents, a renchéri Mme McLellan. Nous sommes une mosaïque et ils sont un melting-pot. Je crois que nous avons un degré supérieur de confort face à la différence comparativement aux Américains et même aux Français.»
Virage canadien
C'est en voyant monter l'appui des Canadiens à l'endroit d'un système de santé à deux vitesses et en notant l'absence d'une réelle politique d'intégration que Jacques Attali a constaté un virage dans l'orientation que semble vouloir prendre le pays.
En matinée d'ailleurs, le président d'Environics, Michael Adams, a soutenu que les Canadiens sont de plus en plus favorables à un système de santé qui ferait une place au secteur privé. De 2002 à 2005, l'appui à cette idée est passé de 20 à 31%.
«L'avenir du Canada se jouera beaucoup sur le système de santé, croit M. Attali. Si celui-ci va beaucoup plus vers une recherche d'efficacité par l'entremise de la privatisation, alors l'évolution à long terme du Canada ne sera pas différente de celle des États-Unis. Ce qui se passera avec la santé se passera sur un ensemble d'autres principes.»
Immigration
La question de l'intégration des immigrants aussi aura un impact important sur l'avenir du Canada, selon l'ancien conseiller de Mitterrand. Il croit d'ailleurs qu'à l'heure actuelle, «la belle utopie du Canada» est menacée.
«Pour qu'une nation, et le Canada en particulier, reste ouverte, elle doit avoir une identité forte, a-t-il dit. Le fait que le Canada soit une juxtaposition de minorités très nombreuses n'est pas forcément une chance, car cela peut créer une juxtaposition d'autismes. Cela ne crée pas une identité forte et peut transformer une utopie en tour de Babel.»
Cette crainte, le Canada doit la prendre au sérieux, selon lui, en raison du retour du nomadisme. Au cours des 30 prochaines décennies, la population de la planète augmentera de 50%, passant de 6 à 9 milliards de personnes. Parallèlement, les populations vieilliront, ce qui créera d'importants besoins sur le marché du travail, et donc une mobilité internationale plus grande.
Accommodements déraisonnables
Pour Jacques Attali, ancien conseiller du président François Mitterrand, le Québec est trop tolérant face aux demandes des membres des différentes communautés religieuses.
«Une société peut disparaître d'une trop grande tolérance, croit-il. Dans la tolérance, il y a à la fois le fait de laisser les autres installer leurs principes et le fait de faire du prosélytisme de leurs principes... et donc, de n'être plus un lieu d'accueil mais un terrain de chasse.»
Faisant notamment référence au cas du kirpan et à celui des musulmanes qui ont bénéficié d'un traitement de faveur, dans une école de Brossard, pour passer leur examen de natation, M. Attali estime que le Québec aurait dû faire preuve d'une plus grande «fermeté».
«Tout ce qui consiste à protéger le droit d'exercer sa religion, le droit d'avoir une vie religieuse autonome est absolument indispensable. Ce qui entraîne, dans la vie non religieuse, une différenciation fondée sur une conception religieuse de ce qui devrait être laïque, c'est-à-dire la pudeur, devrait par contre être refusé», a-t-il dit.
Meme moi je n'aurais pas osé faire autant d'amalgames ! Je l'admire.