صلاح الدين آكلى لحوم البش a écrit:Du qui fait peuuueeeuueuueueur…
Bon.
Pas évident, comme demande. Je vais moi-même de manière régulière casser les pieds de mon libraire à la recherche de ma madeleine au bon goût moisie d'antan : cette sensation quand, enfant et seulement armé d'une plaquette de chocolat, tu lis pour la première fois Celui qui garde le Ver où les Langoliers. J'ai écumé un bon nombre de bouquins pour la retrouver, avec plus ou moins de succès. Avec la vieillesse, tu perds de l'état d'esprit qui rend crédible et haletant le surnaturel, les monstres et les histoires qui font peur. En général, pour retrouver ce goût, on glisse facilement vers le gore ou le glauque, avec plus ou moins de succès. Bref, c'est pas les livres, le problème.
Cela étant dit, voyons les trucs qui m'ont marqué au fils des ans :
- Les Furies de Boras du suédois Anders Fager : mon gros coup de cœur. Son seul livre traduit en français pour l'instant. C'est un recueil de nouvelles ayant toutes un lien plus ou moins fort entre elle. C'est putain de brillant. L'influence de Lovecraft est omniprésente MAIS sans jamais que ça paraisse forcée. Ça se dévore en quelques séances et tu en sors avec un léger syndrome paranoïaque. La trad française vaut ce qu'elle vaut (Perso, je suis pas bluffé mais je lis pas le suédois alors...) et certaines nouvelles sont un cran en dessous (une ou deux). Mais ça vaut le coup juste pour la première.
La lande de Skanör voit s'écraser une météorite d'où émerge une créature avide ; cent cinquante et une personnes convergent des environs de Stockholm pour un suicide collectif ; une boutique d'aquariophilie est tenue par une femme étrangement proche de ses poissons... Dans ces contes horrifiques, Anders Fager s'empare des grands thèmes de la mythologie, du folklore et du fantastique pour créer des territoires sensuels et sombres, où il fait surgir des créatures d'épouvante. Mais le monstre n'est pas toujours celui qu on imagine. Avec un humour noir confinant à la jubilation, l'auteur construit ses récits à coups de petits détails dissonants qui font basculer un quotidien banal : dans cet univers de cauchemar, dans ce monde dévasté, violence et folie sont partout.
- Trajets et itinéraires de la mémoire, de Serge Brussolo. Encore un recueil de nouvelles. tu connais éventuellement l'auteur. Ça date un peu mais j'en garde un très bon souvenir . Les histoires sont toutes dérangeantes ("La mouche et l'araignée" est probablement un des trucs les plus tordus que j'ai pu lire) et bien écrites. Si t'aimes, autant essayer ses premiers romans aussi.
Villes malades où des ordinateurs s'affrontent en combats souterrains à coups de munitions humaines. H.L.M. de cauchemar dont les locataires, nus, s’exposent aux piqûres de mystérieuses mouches. Camp où les prisonniers sont soumis à d’insupportables séances d’irradiation. Musée gigantesque dont personne n’a jamais vu les limites. Tour-dispensaire insalubre surplombant une réserve de paysans souffrant d’étranges troubles de la personnalité...
- Meddik, de Thierry Di Rollo. Alors Di Rollo c'est particulier. Sans concession, noir, malsain, aucune touche d'optimisme.Le héros, camé jusqu'à l'os, suit Meddik, son hallucination d'un éléphant géant, dans un espèce de rampage tour improbable. J'en dis pas plus.
Grande-Ville.
Cité-monde polluée, inique, ultraviolente, déchirée par une guérilla dont les factions même ont oublié l'origine.
Grande-Ville.
Cité-labyrinthe au ciel de suie peuplé de vautours mutants qui, sans relâche, prélèvent en nuées leur écot sur une population terrifiée.
Grande-Ville.
Cité-tombeau d'un monde assassiné par l'incurie humaine...
Du haut des trois cents étages de l'immeuble de la Gormac, dans le quartier sécurisé des Justes, John Stolker, héritier de l'empire Gormac, contemple Grande-Ville. Sa ville. Alors même qu'il inhale la première bouffée de « K. Beckin », le Monstre le toise et barrit. Démesuré, il emplit l'espace et trace bientôt son chemin de ruine. John Stolker sait que le Monstre lui montre la voie, celle d'une vengeance nourrie par une haine froide et lucide. Aussi va-t-il régler ses comptes avec la terre entière : il suivra le Monstre... Jusqu'au bout.
Et le plus incroyable pour la fin :
- l'apocalypse des homards, de Jean-Marc AGRATI. Au lieu de raconter n'importe quoi, je copie-colle une critique vu sur Bifrost :
Compliqué de parler de ce livre.
C’est un fourre-tout qui agrège des nouvelles et des… poèmes en prose ? des vignettes ? des contes ? par dizaines. Ces texticules, Agrati les appelle des « shots », et la polysémie de ce mot en anglais dit bien des choses, qui renvoie à l’alcool, aux guns, à la photo. C’est l’équivalent papier d’un site web : même si on ne voit pas les liens hypertexte, ils sont là. Couleurs conjuguées. Images réitérées. Expressions déclinées. Personnages récurrents — enfin, peut-être : certains, qui apparaissent dans plusieurs récits, courts ou longs, portent les mêmes noms, en tout cas.
C’est un kaléidoscope violent et cradingue. Avec du sang, du foutre, de la merde. Des apocalypses, oui, collectives et devinées, ou bien individuelles et exposées. Les textes les plus psychologiques, sur la mort de l’amitié, sur la vieillesse et ses perditions, sur les renoncements du quotidien, sur le travail (Agrati dit « la bosse ») et son esclavage plus ou moins consenti, sont poignants, l’air de rien. C’est un catalogue de cauchemars plus dérangés les uns que les autres. Quand on a vu un « four portatif déguisé en chien » bouffer un postier pédé dans un bar de postiers pédés, on s’attend à tout. On n’est pas déçu. C’est un style faussement simple. Une écriture dont les fulgurances tantôt vous ébranlent le cerveau, tantôt vous bottent les couilles. Poésie de l’ordure ? Pas seulement. Ce n’est pas de la SF, à peine du fantastique, plutôt du fantasme. Une bulle acide de présent qui ne demande qu’à crever, ou la bulle acide d’un présent qui ne demande qu’à crever. Il se rattache presque à la littérature fin de siècle, ce bouquin du début de siècle. Contes cruels, Grand Guignol. Une lignée qui s’est poursuivie chez Ruellan, Topor, Sternberg, entre autres.
C’est Ambrose Bierce relooké cuir SM pour Hara-Kiri.
C’est Charles Bukowski joué par les marionnettes des Feebles.
Compliqué de parler de ce livre. Facile de s’y attacher.
Il faut reconnaître qu’il pègue, et pas qu’un peu.
Je suis bien dans le fantastique mais peut-être pas tellement dans la peur proprement dite (pour ça, je dois avouer que King reste de loin le meilleur. Matheson à côté, c'est un peu vieillot.)
Dis moi ce que tu en penses et ce que tu as aimé, que je puisse affiner la recherche.
SojaMoule : "Tu perds ton temps, c'est l'asile et je t'emmerde. Dans ta forteresse de certitudes apprises à l'école ou dans tes lectures, tu n'es pas le dépositaire de la vérité absolue."
Reblochon : "As-tu quelque chose d'intéressant et constructif à dire ? Oui ? Lâche toi ! Non ? TA PUTAIN DE GUEULE D'ATTARDÉ, tu la fermes. Bisous"