Sujet : Être rebelle ou les merveilles de l'adolescence: autobiographie.
Tu sais le jeune, tu en rencontreras pas mal de faux rebelles sur l’Internet. De l’ergo-pétasse, des Vak, des alter mondialistes web 2.0 qui sentent bon le sac Eastpak© et la peau de djembé, plein. Mais des combattants libres, des vrais, des free fighters, peu. Une race d'élite qui disparaît et se rétrécit comme la banquise, j’en ai bien peur. Oh, ne crois pas que nous formons une communauté. Non. Le vrai rebelle se bat seul. Il ne peut en rester qu'un. Ainsi entre troue rebelz, nous nous haïssons mutuellement bien évidemment, au risque de susciter l’incompréhension de nos contemporains. Parfois des combats à mort sont organisés dans des caves, et le vainqueur dévore la bite de l’autre. On me demande souvent ce qui m’a donné cette haine totale, cette volonté belliqueuse d’en découdre avec tous, les motivations profondes qui conduisent à cette lutte constante, parfois au péril de l’opinion et de mes propres amis. Oyez bonnes gens, et entendez avec bienveillance, l’histoire merveilleuse d’une vie d'ado, celle d'Imax.
Ainsi mon enfance est probablement merdique, mais comme j'en ai peu de souvenirs, je ne m’en soucie pas. Ceci dit mon esprit de rebelle pur naquit dans des conditions décevantes, qui ont exacerbées mes sentiments de haine, entre un appartement étriqué à Paris, des journées à se faire chier chez la concierge portugaise et puis des parents fonctionnaires. Mais le genre carriéristes, qui bossent beaucoup pour le salaire de merde et les emmerdes permanentes.
À 4 ans, je vomissais déjà les choux de Bruxelles de la cantine, les jetant par pleine poignées à la gueule de ma voisine d'en face, refusant de manière hystériques qu'on me noue mes lacets, quitte à me casser la gueule dès que je marchais. Les rondins du jardin d’enfants du parc étaient mon territoire, délogeant les intrus à coups de high-kick et hurlant comme un damné dès que quelqu’un cherchait à me prendre la main. Déjà, l’on sentait poindre en moi des éléments révolutionnaires latents. Les crèches successives me rendaient malades et pour me passer les nerfs je défonçais le chat le soir à coups de latte.
Bien évidemment à l'école primaire, on tenta d'étouffer cette violence naturelle, en m'enfermant dans un carcan mental. Pour ce faire je fus envoyé pendant des semaines entières dans le pays Basque à regarder la pluie tomber, puis en colos ski de la ville de Paris, où les gens me fuyaient systématiquement, et dont je me faisais invariablement virer pour violences physiques envers mes camarades de banlieues. Mais ma lutte était profonde, et rien ne pouvait la faire taire. Mes violences devenaient plus radicales, l’air parisien provoquait en moi toutes sortes de pulsions que je retenaient à grand peine.
Un jour mon père fut muté en Province. Vendôme, Le Mans, Alençon... Les collèges et son cortège de profs minables se succédèrent. Mon esprit grandissant, ma rébellion devint mentale : je refusai ainsi tout apprentissage des mathématiques, arguant qu’elles rendent bourgeois. Un proviseur, une connasse antillaise à la solde de l'intelligencia au pouvoir, finit par me punir de 54 heures de colles successives, tandis que je lui expliquais pourquoi le monde est peuplé d'épaves incultes. ''L'aquarium'', la salle de colle de l'établissement, fut ainsi ma cellule d'intelligence, et je m'imaginais de vastes complots politiques, menés par des révolutionnaires sanglants dans une jungle du monde.
Curieusement la religion me passionnait. Héritage grand paternel, les messes me plaisaient, car me laissant tout le temps d'échafauder des théories pour renverser le pouvoir. Les cours de catéchisme devenait une joyeuse occasion pour moi de comprendre le monde qui m’entoure et force raconter à mes camarades la vérité sur la visite de l'Esprit Saint à Marie, tandis que je m'inventais quelque pêchés stupides pour le confessionnal obligatoire une fois par mois.
Le lycée (en l'occurrence la seconde) fut une ultime tentative désespérée pour museler mes élans de liberté. Mes parents, ces traîtres immondes, m'inscrivirent dans un internat de jésuites, des genres de matons en sandales de Sparte et au crâne rasé. Le proviseur me demanda le premier jour si je connaissais l'oeuvre de sa très sainte Madeleine Daniélou. Ma réponse, érudite et immédiate, lui plut. Je fus ainsi nommé au service de la chapelle de Passy Buzenval. Cette tâche me permit d'acquérir l'amitié de mes supérieurs qui voyaient en moi l'incarnation parfaite de la famille qui sent bon, et me laissait le temps de faire toutes sortes d’actions de sabotage qui occupaient la majeure partie de mon temps. J'avais bien sûr perverti quelques esprits faibles, qui formaient autour de moi un rang de combattants dévoués. Mes troupes étaient disposées, prêtes à l'affrontement. C'est ainsi que je fut finalement viré pour ''obstruction physique à un professeur'' pendant un combat de chaises en classe.
Finalement mes parents abandonnèrent. ''Il veut faire littéraire? Et bien soit!'' gueula mon père, qui rêvait de grandes écoles d'ingénieur. Ma scolarité se passa simplement, dans un lycée public en Picardie, bourré de connards gauchistes et de profs marxistes. Bien sûr il me fallut quelque temps d'adaptation. Comme tous les jeunes esprits qui commencent à lire, j'ai eu ma période poète maudit, et puis, fermement décidé à devenir humaniste, je me prenais pour le centre du cosmos intellectuel, mon misérable cerveau se passionnant pour des débats artistiques totalement cons et sans intérêts.
J’échouai finalement dans la médiocrité de groupe, portant des futes de marque très larges et ressemblant avec fierté à une poubelle kaki. À chaque pause nous nous défoncions la gueule entre amis, sombrant dans le psychédélisme déviant pendant les cours, et riant très fort de notre propre déchéance. Pendant un instant, je cru (Hélas !) être rebelle, et me faisant élire délégué de classe, j’arrivais à mon conseil de classe totalement déchiré. Je réalisai par la suite combien ma propre connerie m’avait aveuglée.
Les femmes m'admiraient. J'étais beau, dealant la drogue ramenée de Maastricht au péril de nos vies, hurlant contre les connards de flics pendant les manifs étudiantes, accumulant au poignet la pile de bracelets brésiliens confectionnés par mes admiratrices qui venaient m'écouter jouer du piano pendant des heures. J'ai probablement tiré un bon quart de ma classe de première et de terminale, ce qui sur un plan purement égoïste conféra à cette période une aura agréable. Concernant les cours, mon esprit débridé me permettaient de profiter du gauchisme ambiant: le niveau scolaire globalement nul m’autorisait à dire n'importe quoi et tout le monde trouvait ça très bien, on prenait mes délires pour ''de la réflexion personnelle''. Pour moi c'était du foutre en barre et j'en rajoutais par paquets entiers dans mes dissertes très longues et totalement incompréhensibles, jusqu'à en crever de rire; pensez vous, je chiais allègrement sur Racine et Descartes sans les avoir lus, ou balançait des théories débiles sur le nazisme inspirées par les histoires de oui-oui. Il fallut se rendre à l’évidence : ces abrutis de profs ne comprirent jamais rien, et pour preuve de mon immense foutage de gueule à la face du monde, je reçu une mention très bien au bac.
Cette période facile fut de courte durée. Mes parents s'excitèrent. Grands dieux, le père en digne fonctionnaire, me voyait gravir les marches de Science-Po. Leur enthousiasme m'attendrit. La fac c'était pour moi hors de question, j'avais déjà saisi la nullité du système scolaire public, et le manque d'ambition de tous ces connards baveux me révulsait. Pour moi la révolution ne passerait désormais que par l'action. Il me fallait détruire le système par la force.
Je visitai quelque grandes prépa parisiennes, accompagné de mon père, qui replongeait avec délice dans l’ambiance très Troisième République des internats glauques. Tandis que nous croisions quelques squelettes au teint blafard et à la démarche molle, je fus pris d’une crise de violence. Le système me tuerait, et il me fallait goûter à la discipline, comprendre les mécanismes qui poussait l’idolâtrie du pouvoir, gravir l’échelle sociale par ce qui semble le plus simple : l’armée.
Mes premiers jours en prépa militaire furent un calvaire. Des connards fascistes et grotesques, une hiérarchie stupide et des horaires démentiels, seule la bouffe me tirait de ma torpeur. Je commençais à regretter mon choix amèrement. Et pourtant, la rigueur militaire me réconcilia avec le système scolaire. Les profs étaient des intellectuels droitistes, dont le sadisme évident pour les éclopés du système public était tout à fait jouissif. Un prof de droite ce n’est pas bien difficile à enculer finalement, je comprenais mieux certaines références, et obtenais bien vite des résultats scolaires bons, me prenant de passion pour des matières que j’avais jusque là méprisées au lycée. J’appris bien d’autres choses intéressantes comme monter une corde en 3 secondes, faire des plis sur des chemises, faire un 3,000 mètres en moins de dix minutes ou effectuer un bandage sur une entorse.
Sans le savoir, l’armée ne fit qu’exacerber mes aspirations de violence : je me sentais intellectuellement supérieur, et physiquement surpuissant. J’étais devenu un guerrier. L’un de mes co-détenus, par ailleurs, m’agaçait particulièrement. Il ne me fallut pas longtemps pour fomenter un putsh au sein de l’internat. Nous finîmes par l’attacher à un tronc d’arbres et lui bizuter la gueule tellement sévèrement qu’il se cassa définitivement, non sans laisser une lettre suicidaire à la hiérarchie. Ma victoire fut de courte durée : les grades m’imposèrent un interrogatoire pendant presque deux jours, auquel, mal préparé, je ne pu résister longtemps. Finalement, j’aimais la gestion d’un problème au sein de l’armée. Plutôt que de bêtement me virer, la hiérarchie me fit vivre l’enfer pendant tout le reste de ma scolarité. J’avais été présomptueux : plutôt que de garder profil bas, j’étais le petit agitateur mis au grand jour. Désormais fliqué en permanence, systématiquement désigné volontaire pour les tâches ingrates, un colonel m’invitait régulièrement à des interrogatoires de routine. J’appris qu’on le nomma général par la suite. Cependant aux yeux de la populasse bêlante, j’étais devenu un héros. Les mous de la bite m’adulaient tandis que les dûrs me craignaient, me considérant comme un vulgaire taré instable.
Septembre 2001 fut pour moi une époque révélatrice. La vérité me frappa de plein fouet : les militaires n’étaient qu’un troupeau inutile et stupide. En regardant ces images d’avion de ligne réduire à l’état de poussière un pays tout entier, je réalisai avec stupeur ce qu’était le vrai pouvoir, celui qui ne crevait pas seulement dans de vulgaires tours de verre et d’acier, mais qui remuait le bide du monde, sans que personne ne sache bien pourquoi, et qui bientôt allait bouffer et mondialiser par le cul tous ces blaireaux appartenant à la vieille France. Le capitalisme putain. Quand on y pense c’est effarant. Mes amis supra-littéraires, mes chers profs ne comprirent pas. Je me torchais allégrement avec leurs conseils et mes résultats de concours, au grand désespoir du carcan familial. Avoir des affinités avec la philosophie et la poésie ne faisait de moi qu’un connard vulgaire prétentieux, un demeuré condamné à écrire des torchons inintéressants pendant le reste de ma vie, et puis approuver la lente régression vers le système publique merdique.
Parfois, je me demande si mon combat sera un jour reconnu, si mes actions profondes éclateront à la face du monde. En attendant, Internet devint rapidement un vaste terrain de jeux où faire chier son prochain est la nouvelle religion. Que demander de plus, l'anonymat sécurisant et la disponibilité totale d'une sainte clique de la connerie, réunie dans un vaste mouvement qui se veut le plus sérieux du monde! Bordel, béni soit le type qui a inventé l’Internet, bien que je sache pertinemment que ce n’est pas un seul type qui a inventé internet. Peu importe. Un jour j'écrirais peut-être la suite.