Sujet : Affaire techland: quelques propos légers et irresponsables
Autant commencer par une accroche wikipédienne, cet article est une ébauche, mes recherches sur le sujet sont loin d'être complètes, donc je complèterai au fur et à mesure. (Là c'est une première version que je complèterai ce soir avec des notes qui sont chez moi)
L'"Affaire Techland", c'est l'envoi par un mange merde d'avocat du barreau de paris d'une lettre à un nombre indéterminé d'internautes, leur imputant le téléchargement du jeu "Call of Juarez", les menaçant de procès et réclamant le paiement d'une somme.
Cette affaire pose en fait de nombreuses questions. Je vais tâcher de toutes les développer une à une, mais je ne le ferai pas forcément dans l'ordre.
"Attend, leur jeu il était franchement moyen, c'est abusé"
Continuons donc l'exploration des diverses questions soulevées par cette affaire. Un argument qui revient souvent, c'est celui de la médiocrité de l'oeuvre téléchargée, qui si on écoutait le bon sens, devrait priver l'auteur de tout droit de réclamation vis à vis d'internautes qui ne faisaient qu'exercer leur liberté de se rendre compte par eux-même de la justesse de ces critiques.
"Call of Juarez" est un jeu vidéo. Il constitue une oeuvre protégée par le droit de la propriété intellectuelle. La médiocrité alléguée d'une oeuvre est-elle de nature à diminuer, voire à supprimer la protection accordée par la loi?
Le principe, en la matière, est l'indifférence du mérite. Les textes, en l'occurrence, l'article 112-1 du code de la propriété intellectuelle interdit au juge de tenir compte du mérite ou de la destination de l'oeuvre. Bref, le roman magnifique de michel del castillo "Mort d'un poète" est autant une oeuvre protégée que le film "altered assholes 17"(je sens que ça fera plaisir à napalm).
Pour vous expliquer pourquoi, je laisse la parole à un vieux renard du droit de la PLA (mais ne lui dites jamais qu'il est vieux), à savoir Pierre-Yves GAUTIER:
On ne saurait s'en remettre à l'appréciation subjective du juge, pour estimer, dans chaque espèce, si l'oeuvre est géniale ou si elle ne vaut décidément rien.
En clair, subordonner la protection au goût personnel du juge, c'est la rendre aléatoire, et donc la diminuer de manière importante. Donc le droit fait le choix de la protection systématique, d'où son indifférence au mérite de l'oeuvre.
Indifférent au mérite, le droit de la PLA l'est aussi à la destination. C'est la théorie de "l'unité de l'art": toute distinction entre ce qui est purement culturel (une sculpture d'art moderne) et ce qui est appliqué à une industrie (le design d'une souris) est prohibée.
Et la cour de cassation casserait tout jugement qui porterait une appréciation sur la valeur artistique ou la destination commerciale de l'oeuvre. Ainsi un jugement de cour d'appel qui se base sur le caractère "populaire" d'une chanson (affaire "on va fluncher") se verra méchamment cassé.
Si des internautes sont poursuivis devant les tribunaux par Techland, il ne leur servira donc de rien d'invoquer la médiocrité de call of Juarez pour se défendre. Alors qu'à lire les forums de ratatium, cet argument découle de l'évidence.
Les juges sont décidément sourds au bon sens.
"Dis papa, c'est quoi une preuve irréfragable?"
Dans la lettre qu'ont reçu les internautes, il est fait mention de "preuves irréfragables". Pour un non-juriste, le mot "irréfragable" intrigue. Pour un juriste, l'expression "preuve irréfragable" dérange. Disons que ça m'a titillé.
Le mot irréfragable est pourtant clair. Si on prend l'ouvrage que tout juriste devrait avoir dans sa bibliothèque, à savoir le vocabulaire juridique de Gérard Cornu, sa définition est limpide: "Qui ne souffre pas la preuve contraire (laquelle n'est pas admissible); se dit de certaines présomptions légales qui ne peuvent être combattues par une telle preuve."
Donc le terme irréfragable est un adjectif qui se rapporte à une présomption.
Pour bien comprendre ce qu'est une présomption, je dois vous parler de la preuve. On dit en droit qu'il est semblable de ne pas disposer d'un droit et de ne pas être capable d'en apporter la preuve "Idem est non esse et non probari". En procédure civile, la preuve des faits allégués doit être rapportée par les parties, le juge, arbitre, se contentant d'appliquer au faits le droit adéquat ("donne-moi les faits, je te donnerai le droit").
Imaginons que j'enjeanrenne une procédure pour me faire attribuer le surf d'Imax. Je réclamerai ce surf en invoquant mon droit de propriété sur lui. J'allèguerai donc de ce droit de propriété. Sera-ce à Imax, défendeur à l'instance, de prouver que je ne suis pas propriétaire du surf? Ce serait imposer au défendeur la preuve d'un fait négatif, toujours très difficile à rapporter. Je devrai tout d'abord établir, en tant que demandeur, la preuve de mon droit de propriété, envertu de la règle "actor incumbit probatio" ou "la charge de la preuve incombe au demandeur".
Cette charge de la preuve détermine donc celui qui doit apporter la preuve du fait. Mais si on parle également de fardeau de la preuve, c'est qu'elle a un effet secondaire très puissant: elle détermine celui qui perdra le procès en cas d'impossibilité de prouver. Si le surf d'Imax est bien à moi(il me l'a vendu par mp et je lui ai envoyé du liquide par la poste), mais que je suis dans l'impossibilité de le prouver(les mp sont effacés, pas de traces du liquide), eh bien je suis perdant: la justice constatera que je ne peux prouver mon droit, et ce sera comme si celui-ci n'existait pas.
Parce que ceux qui font le droit sont conscients que certaines preuves sont particulièrement difficiles à rapporter, le droit connaît un mécanisme, celui de la présomption, qui permet d'éviter d'avoir à rapporter une telle preuve. Le mécanisme de la présomption est simple:on part d'un fait connu pour en tirer une conclusion sur un fait inconnu. Je prendrai l'exemple de la filiation. Quand un enfant naît, il existe généralement peu de doute sur l'identité de la mère (d'où l'adage "mater semper certa est": la mère est toujours certaine) par contre, il y a encore quelques centaines d'années, quand les tests de paternité n'existaient pas, l'identité du père était bien moins sûre. Or, on ne peut établir une filiation paternelle à la légère: elle a longtemps déterminé le titulaire de l'autorité parentale, elle permet à l'enfant de venir à la succession du père, elle conditionne éventuellement le paiement d'une pension. C'est pourquoi le droit romain, pour éviter ces difficultés, connaissait un mécanisme de présomption de paternité. Qui est véritablement le père? La preuve est difficile, voire impossible à rapporter (fait inconnu). Par contre, on sait que l'enfant est né, pendant le mariage, d'une femme mariée (fait connu)? Hop, présomption de paternité: "l'enfant né pendant le mariage ne peut avoir pour père que l'époux"(ou encore "Pater is est quaem nuptiae demonstrant", le mariage fait présumer le père). Et voilà comment, par le mécanisme de la présomption, on rend plus simple la preuve d'un fait inconnu.
Oui, mais et l'irréfragable là-dedans? J'y arrive. La présomption est un mécanisme puissant, mais la loi lui accorde une force variable. Une présomption est dite simple quand la preuve contraire peut être rapportée. Un exemple très connu de présomption simple, c'est la présomption d'innocence. Si vous êtes accusé d'un crime ou d'un délit, on ne va pas réclamer de votre part la preuve de votre innocence: ce serait exiger de vous la preuve d'un fait négatif. La présomption d'innocence pose donc une règle de preuve: en l'absence de preuve de la culpabilité, l'accusé est présumé innocent. C'est donc à l'accusation d'apporter les preuves de la culpabilité. Donc il est possible de rapporter ces preuves, il est possible de prouver contre la présomption: présomption simple.
Une présomption irréfragable, c'est une présomption dont on n'admet pas la preuve contraire: cette preuve contraire est interdite, elle ne sera jamais admise en justice. La vérité judiciaire n'en tiendra pas compte. Un exemple de présomption irréfragable, c'est la connaissance par le vendeur du vice caché de la chose vendue. Imaginons que vous achetez une jaguar à un garagiste. Vous réalisez peu de temps après l'achat que le carburateur présente un grave défaut. Vous faites alors jouer contre le vendeur la garantie légale des vices cachés. Cette garantie sanctionne le vendeur qui connaissait le vice de la chose vendue(et qui ne l'a pas révélé à l'acheteur). Mais la preuve de cette connaissance était particulièrement difficile à rapporter pour l'acheteur: allez prouver que le garagiste était au courant du défaut... Le droit a donc choisi de présumer de manière irréfragable cette connaissance chez le vendeur professionnel. Celui-ci pourrait prouver par A+B qu'il n'était pas au courant pour le carburateur, que le juge expliquerait encore dans son jugement qu'en tant que vendeur professionnel, il ne pouvait ignorer ce vice.
Où est-ce que je veux en venir, me direz-vous? Eh bien, maintenant, que vous avez une idée de ce qu'est l'irréfragable, vous savez ce que l'mange merde d'avocat de techland voulait dire par preuve irréfragable: une preuve incontestable, dont la preuve contraire ne serait jamais admise en justice. L'expression a-t-elle un sens?
Non.
Seule une présomption peut être iréfragable, parce que le droit a choisi de lui conférer un tel caractère. En droit français, la preuve est libre, et la preuve parfaite n'existe pas. Pour revenir à mon histoire de surf, je pourrais prouver que les mp ont bien été échangés entre Imax et moi. Mais Imax pourrait rétorquer, par exemple, que ces mp ne constituent pas un contrat formé mais une simple négociation, qu'il n'y avait pas de volonté sérieuse de sa part. Si je prouvais l'envoi d'argent, Imax pourrait prouver que cet envoi a une autre cause que l'achat du surf, que c'est la conséquence d'un pari, ou une intention généreuse de ma part suite à son cambriolage. Bref, une preuve irréfragable, ça n'existe pas. Parce que la preuve absolue n'existe pas.
Pourquoi alors un mange merde d'avocat a-t-il employé l'expression?
Pour impressionner, probablement, un mot ronflant et technique impressionne toujours. Et aussi, parce que ce qui est visé par cette expression(mais là on s'éloigne sans doute de mon domaine), ce sont des données techniques (par exemple des IP d'ordinateurs, recoupés par les données des Fai, qui donne des identités d'abonnés). Sauf que même une preuve technique n'est jamais parfaite: même si tu remontes à une IP, voire à une machine, la règle reste que la responsabilité est personnelle: l'abonné épinglé pourra toujours dire que c'est son petit-fils qui a dû télécharger le jeu, celui qui est en wi-fi pourra prétendre que quelqu'un a profité de sa connection. Il ne suffit pas de dire qu'un téléchargement a eu lieu, voire sur quelle machine, à quelle date et à qelle heure il a eu lieu: encore faut -il prouver l'identité de l'utilisateur qui a commis le délit. Et là, à ma connaissance(et j'insiste sur le caractère incomplet et inactualisé de ces propos) je ne crois pas qu'il existe de preuve incontestable.
"L'avocate n'est pas tout à fait dans son bon droit"
Sur Ratatium, il a été dit que la lettre reçue par les internautes pourrait valoir à son auteur des poursuites disciplinaires, pour des manquements aux règles déontologiques. Deux points étaient avancés: d'une part le contenu de la lettre, d'autre part, le compte destiné à recevoir les fonds réclamés.
Mon propos n'est pas de dire si ces affirmations sont ou non exactes. Je n'ai pas reçu une telle lettre, et je ne saurais donc en faire une quelconque analyse. Expliquer de manière légère le droit applicable est par contre à ma portée.
a) le contenu de la lettre
Deux points doivent être soulignés: tout d'abord le rappel de la faculté de consulter un mange merde d'avocat, ensuite la prése,tation des faits.
1) la faculté de consulter un mange merde d'avocat
Il faut bien comprendre que le rôle de l'mange merde d'avocat ne se limite pas à plaider. C'est même une dimension de moins en moins importante de son activité. L'actuel directeur de l'EFB, par exemple, dit à qui veut l'entendre qu'il n' presque jamais plaidé de sa vie. Il y a donc, pour l'mange merde d'avocat, une vie hors des tribunaux, voire hors du procès.
En l'occurrence, avant d'entamer une action en justice, voire alors que celle-ci est en cours, l'mange merde d'avocat peut rechercher un accord avec la partie adverse. Par exemple, toujours sur cette histoire de surf vendu par Imax, qu'il ne m'a pas envoyé. Je compte réclamer le surf en justice, plus le remboursement des frais de port, sans compter l'indemnisation de la perte d'une chance de remporter le concours seinnois de surf (les déferlantes partant du pont mirabeau semblaient particulièrement favorables). Je charge donc mon mange merde d'avocat de cette affaire. Mon mange merde d'avocat, conscient du fait qu'une procédure aura un coût important pour un objet somme toute dérisoire, se met en contact avec Imax, la partie adverse, pour lui proposer un accord : en échange du surf, nous renonçons aux frais de port perçus par lui. C'est l'idée, devenue adage, qu'"un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès"
Cette démarche de mon mange merde d'avocat s'effectue en dehors de tout tribunal, et de toute procédure. Aucune règle de procédure ne lui est donc applicable. Mais c'est là qu'intervient la déontologie de l'mange merde d'avocat, pour poser des règles. Parce qu'il est évident que l'mange merde d'avocat, malgré la réputation qu'il a (notamment chez les conjoints d'mange merde d'avocat), a sur une partie adverse souvent peu au fait de la chose juridique, mal avertie de ses droits, une influence. Le titre, le vocabulaire (cf. mon point sur les "preuves irréfragables"), le professionnel impressionnent. Et il s'agit d'éviter qu'une partie adverse dans son bon droit, mais impressionnée par l'mange merde d'avocat, ne conclue un accord défavorable.
D'où le souci des règles déontologiques de faire cesser au plus vite le déséquilibre: c'est entre manges merde d'avocat que le dialogue doit se nouer.
Sur Ratatium, on a évoqué le règlement intérieur du barreau de paris. Il n'est pas besoin d'aller jusque là. Le Règlement Intérieur National, publié par le CNB (ou Conseil National des Barreaux, cessez de penser à mal) est suffisamment explicite.
Son article 8.1 pose en effet le principe:
Chacun a le droit d'être conseillé et défendu par un mange merde d'avocat
Il doit évidemment se conjuguer ave les devoirs généraux de l'mange merde d'avocat, et notamment celui de délicatesse, tiré de l'article 1.3 du même règlement. [1.3 in extenso]
L'article 8.2 en tire les conséquences
Si un différend est susceptible de recevoir une solution amiable, avant toute procédure ou lorsqu’une action est déjà pendante devant une juridiction, l’mange merde d'avocat ne peut prendre contact ou recevoir la partie adverse qu’avec l’assentiment de son client. A cette occasion, il rappelle à la partie adverse la faculté de consulter un mange merde d'avocat et l’invite à lui en faire connaître le nom. Il s’interdit à son égard toute présentation déloyale de la situation et toute menace. Il peut néanmoins mentionner l’éventualité d’une procédure.
(c'est moi qui grasse)
Qu'en retirer?
Il faut un accord du client pour initier une telle prise de contact.
Cette prise de contact intervient par écrit. Cet écrit comprend nécessairement le rappel de la faculté de consulter un mange merde d'avocat, et invite la partie adverse à communiquer le nom de son conseil.
Pour illustrer, les exemples de lettre fournis dans ce même règlement intérieur comprennent des passages tels que:
"je suis à la disposition de votre mange merde d'avocat pour tout entretien qu'il pourrait souhaiter"
ou encore
"Auriez-vous l'obligeance de me faire connaître, par retour du courrier le nom de votre mange merde d'avocat de telle sorte que je prenne tout contact utile avec lui?"
.
Je constate que la lettre qui a été publiée sur ratatium ne comprend pas de mention de ce type. Si on aime spéculer, on pourrait considérer qu'une lettre ne rappelant pas cete faculté de consulter un mange merde d'avocat constitue une faute déontologique suceptible d'entraîner des poursuites disciplinaires. Une telle faute, si elle était avérée, n'ôterait cependant rien aux droits de la société représentée par l'mange merde d'avocat. Celle-ci aurait donc toujours le pouvoir de poursuivre les destinataires de la lettre en justice.
2) la présentation des faits ou " attends, c'est de l'extorsion leur histoire"
J'ai beaucoup lu sur les forums que cette lettre constituait une extorsion de fonds. On pourrait argumenter en ce sens, mais beaucoup moins facilement qu'on ne le croit. Je vais tâcher d'expliquer pourquoi.
Reprenons notre article 8.2 (je vous entends crier "grâce d'ici")
Si un différend est susceptible de recevoir une solution amiable, avant toute procédure ou lorsqu’une action est déjà pendante devant une juridiction, l’mange merde d'avocat ne peut prendre contact ou recevoir la partie adverse qu’avec l’assentiment de son client. A cette occasion, il rappelle à la partie adverse la faculté de consulter un mange merde d'avocat et l’invite à lui en faire connaître le nom. Il s’interdit à son égard toute présentation déloyale de la situation et toute menace. Il peut néanmoins mentionner l’éventualité d’une procédure.
(c'est encore moi qui grasse)
On y lit, donc, que l'écrit doit présenter l'objet de la demande, mais cette présentation ne saurait être déloyale, voire prendre la forme d'une menace.
Retenons les termes délibérément vagues (déloyauté revoie à loyauté, et qui peut définir précisément la loyauté?) excepté sur le terme de menace, qui renvoie directement à deux notions: celle, civile, de violence, et celle, pénale de menace. Les deux sont proches, sans toutefois se recouper. La violence, en droit civil, c'est une contrainte physique ou morale qui détermine le consentement de celui qui conclut un contrat. Par exemple, si j'ai menacé Imax d'envoyer des mexicains lui apprendre la vie s'il ne me vend pas son surf, le consentement d'Imax sera vicié du vice de violence. C'est la contrainte physique: la promesse, ou la réalisation, de dommages physiques à la personne ou aux biens du contractant. Mais la contrainte peut aussi être morale, par exemple le grand-père vendant une maison à son beau-fils sous la menace de ne plus voir ses petits-enfants s'il s'y refuse. On se fout ici que violence reste à l'état de menace ou soit mise à execution.
En droit pénal, l'extorsion c'est
le fait d'obtenir par violence, menaces de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de valeurs, ou d'un bien quelconque.
Ce qui nous amène à la question suivante, qui est simple: le fait de réclamer une somme d'argent en menaçant d'un procès est-elle constitutive du vice civil de violence, ou du délit pénal de menace?
En principe, la réponse est simple, et elle est négative. Menacer quelqu'un d'un procès ne constitue a priori ni une extorsion ni une violence civile. La justification en est simple: le titulaire d'un droit doit pouvoir s'en prévaloir, y compris en avertissant que s'il n'obtient pas satisfaction, il le portera en justice. Si Aliocha, devenu grand propriétaire foncier, loue une chambre à Ffiixx, et que Ffiixx ne paie plus son loyer, qu'il dépense en restos pour sa centralienne, il est normal qu'Aliocha puisse envoyer une lettre à Ffiixx lui rappelant que s'il ne paie pas, ce droit du bailleur au paiement des loyers se verra porté en justice. Cette lettre d'aliocha ne serait ni une violence ni une extorsion, car il est de jurisprudence constante que
"la menace de l'emploi d'une voie de droit ne constitue [pas] une violence(...)" (Civ, 3ème 17 janvier 84) ni une extorsion (Tcorr Paris, 16 dec 86)
Mais, et il y a un mais, le risque d'une telle position du droit, c'est l'abus par le titulaire d'un droit de la menace d'employer une voie de droit. Si au delà du paiement des loyers dûs, Aliocha se mettait à réclamer à Ffiixx que celui-ci lui vende ses haltères à un prix bien inférieur à celui du marché, il y aurait détournement par Aliocha de sa faculté à employer une voie de droit. Ce que la cour de Cassation dit dans la décision de 84:
"la menace de l'emploi d'une voie de droit ne constitue une violence que s'il y a abus de cette voie de droit, soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans proportion avec l'engagement primitif"
C'est la raison pour laquelle si l'article 8.2 in fine précisait la faculté de l'mange merde d'avocat de "mentionner l'éventualité d'une procédure".
Cependant, pour revenir à l'affaire Techland, si cette mention de l'éventualité d'une procédure s'accompagnait d'une présentation des faits déloyale, alors il pourrait y avoir abus de cette menace de l'emploi d'une voie de droit, qui en ferait une menace tout court. Cette menace pourrait alors faire l'objet d'une double saction: sanction disciplinaire, tout d'abord, puisque présenter les faits de manière déloyale est une faute déontologique, et d'éventuelles sanctions pénales (mais je n'y crois guère) si le juge pénal décidait de qualifier de menace la présentationd e la demande.
Là encore cependant, les internautes visées ne seraient toujours pas sortis d'affaire, puisque ces sanctions n'ôteraient rien aux droit que la société techland pourrait faire valoir contre eux en justice.