Sujet : Mon stage dans le monde merveilleux du corporate law.
Suite à la discussion qui a eu lieu dans ce topic sur la pratique du droit des affaires, je me permets de vous donner mes impressions sur ma première semaine de stage dans un cabinet d’affaires londonien. Ceux que ça n’intéresse pas peuvent changer de page.
Je reprends les commentaires du topic sus-cité :
Super Receswind, tu te prépares quand même à une belle vie de chaouche dans le M&A et les LBO...A toi les défenses exaltées en correctionnelle, que dis-je en correctionnelle, aux Assises !!! A toi la conférence du Stage, les honneurs, le rond de serviette à la buvette du Palais !!! Heu non en fait tu vas être avec un gland dans un bureau de 3m² à chier du papier en étant obsédé par ta time sheet...Je ne vois qu'un mot pour définir cela : LOL
Alors effectivement cette semaine j’étais en Corporate dans un bureau spacieux d’environ 12m² avec un associé. Effectivement j’ai assisté à des réunions sur la vente d’actions et travaillé sur un contrat pour que deux sociétés se regroupent et en achètent une autre. Le bon côté, c’est que ça m’a intéressé et surtout j’ai été agréablement surpris de voir que le droit était plus impliqué que ce que je ne pensais. Évidemment ça n’est pas aussi glamour que les effets de manche aux assises pour faire acquitter son client, mais la réflexion ne me semble pas pour autant moins intéressante.
J'espère que t'aimes le secrétariat...
Ca j’ai eu la chance de ne pas y passer. Il apparaît effectivement que dans ce genre de cabinet en France, les stagiaires même du niveau DESS/EFB (Ecole Française du Barreau) font du secrétariat, à Londres c’est la première étape du recrutement donc on essaye de te filer des trucs intéressants pour te motiver à rester. Alors on ne te demande pas directement d’appeler un client, en particulier parce que 50% des stagiaires sont en deuxième année de droit, donc ne connaissent rien à rien (même si 8/18 viennent d’Oxford ou Cambridge) et les 50% autres n’ont jamais étudié droit (chimiste, ingénieurs, journaliste financier… par exemple). Mais bon j’ai eu l’occasion d’assister à un rendez-vous avec un mange merde d'avocat d’une autre partie et le seul e-mail que j’ai écrit était pour un client.
En tout, j’ai pas foutu grand-chose vu qu’on passait notre temps à sortir au frais de la boîte, à écouter des conférences sur les différents domaines de la boîte et à se faire payer des repas par les collaborateurs, associés.
Ah et tu peux dire adieu à ta vie sociale. T'auras peut-etre le temps d'une branlette en rentrant du boulot, stou !
Effectivement, pour les stagiaires en « training contract » (stage de fin d’étude de deux ans obligatoire pour devenir mange merde d'avocat) les journées sont longues c’est sûr. Ce qui compense un peu c’est qu’on te demande de rester uniquement quand il y a du boulot, en tout cas dans cette boîte. J’ai rencontré un stagiaire qui avait bien besoin de sommeil parce qu’il travaillait sur deux cas en même temps et une autre qui partait à 18h parce qu’il n’y avait plus rien à faire.
C'est comme dahs tout, la marque fait le prestige, mais ca ne veut pas tout dire. La seule chose dont ils peuvent se vanter avec raison, c'est les moyens mis à leur disposition. Secretaires, recherchistes, bibliotheque privée, photocopieuse/brocheuse/assembleuse etc... pour pondre des tonnes de documents juste en claquant des doigts, une salle d'accueil grande comme ma maison avec une receptioniste la pute que tu lui defoncerais la boite à chocolat direct sur son pupitre. Des relations avec d'autres cabinets, des experts, des amis voleurs/menteurs comme des enculés de notaires ou des comptables. Enfin des millions de trucs qui peuvent parfois faire la difference. Mais le reste, ce n'est souvent que du vent. Comme dans toutes les grosses structures, il y a un paquet de parasites et d'incompetents qui arrivent à garder leur boulot du à l'incompetence des gestionnaires.
Autre bon point, c’est que tu ne restes pas tout seul à bosser jusqu’à 1h : secrétariat et photocopie 24h/24h + repas/taxi. Je dis pas que ça compense l’absence de vie sociale mais si tu dois en passer par là, au moins les conditions sont bonnes. Et la cantine et excellente et pas chère.
Plein de $$$
Effectivement ça ça fait rêver même si c’est parfois indécent.
Mais bon dis toi que ces grands cabinets là, c'est géré comme des business façon grande fête des années 90 avec un management composé de cons où t'as pas intérêt à claquer la langue, qu'entre associés ça balance, etc...
Le seul ragot que j’ai entendu c’était au sujet des stagiaires. Quant à la gestion, si tu es associé tu es autonome, tu rends parfois des comptes au « manager partner » (associé en chef), mais en dehors de ça, si tu foires c’est ta faute. Et si le client change de cabinet, je pense qu’on peut raisonnablement dire que tu es viré.
Il y a dans les gros bureaux des chiés d'manges merde d'avocat qui sont là juste parce qu'ils font beaucoup d'heures en fermant leur gueule et qu'ils se la jouent, sauf devant leur boss auquel ils lechent le cul à grands coups de langue. Niveau competence, quand tu les croises au palais, c'est de la merde en boite. Ils ne leur restent que leur air frais chié et le nom de leur gros cabinet sur la pochette. Et ca c'est un temoignage que j'ai entendu de plein d'manges merde d'avocat dont certains sont des anciens de ces grosses boites.
Je suis mal placé pour apprécier leur compétence évidemment. Par contre, j’ai été agréablement surpris par la diversité des gens. Anglais, Africains du Sud, Australien, Français, Ecossais, Irlandais, Hollandais, Allemand (dans les actuels manges merde d'avocat), Turque et Zambézeen (dans les stagiaires). Pas mal d’étudiants d’Oxford et Cambridge quand même (dont une partie de têtes de nœud) mais aussi des gens de facs de province, de l’étranger et pas mal qui bossent déjà donc qui sont très sympas vu qu’ils se prennent moins au sérieux.
Quant à ceux qui deviennent associés, 75% d’entre eux viennent d’un autre cabinet. Donc même si tu passes des années à lécher le cul de ton supérieur, tes chances de devenir associé sont infimes. Par contre si tu es bon chez un concurrent, là tu es intéressant. Ce qui m’apparaît être un gage de qualité tout de même.
En remarques conclusives je dirais que les gens sont vraiment cools, tout le monde aime te rencontrer, te demande si ça te plait, etc… Quand les gens te filent du boulot ils évitent de te filer des trucs chiants, même si tu es un petit stagiaire pour une semaine. Un associé qui t’invite à déjeuner alors que bon, il a sûrement des trucs plus passionnants à faire. Evidemment, leur but est d’avoir le plus de monde qui postule, mais quand tu compares aux méthodes de recrutement françaises (plus souvent appelées « mépris dédaigneux ») ça fait un changement.
Ah oui, et grande grande surprise, l’associé qui me supervisait a été vachement honnête en me disant que leur cabinet était à la traîne en corporate, qu’ils perdaient du terrain sur leurs concurrents en Europe et que s’ils ne se bougeaient pas le cul rapidement dans les années à venir ils allaient tomber en D2. Quand je pense aux pauvres filles du service de recrutement qui ont passé 6 mois à me dire qu’ils étaient les meilleurs dans tous les domaines, elles l’auraient sûrement écharpé.
Bon, la semaine prochaine je suis au département arbitrage international. Si ça vous intéresse je vous donnerais peut-être de nouveau mes impressions.