Alors:
"Hôtel New Hampshire" de John Irving
La spécialité d'Irving, c'est le mélange entre tristesse et folie douce, ou comment raconter de manière drôle des choses tristes et/ou glauques.
Ici, on a un narrateur dont la famille est une joyeuse tribu, entre le grand père haltérophile et entraîneur de football américain, le père ancien d'Harvard et rêvant de fonder un hôtel de luxe dans des coins miteux, le frère esthète et porté sur la taxidermie. Tout ce groupe traversera tant bien que mal d'affreuses épreuves (viol, accident mortel, attentat terroriste, suicide, et tentations incestueuses).
Cela se lit facilement, malgré quelques longueurs. J'aime bien cet auteur, si ça vous plait, allez voir "la quatrième main" ou "une prière pour Owen".
"Journal d'un allemand" de Sébastien Haffner
Récit écrit en 1938 après un exil en Angleterre d'un juriste (en passe de devenir magistrat en 1933) devenu journaliste.
Très intéressant document dans lequel l'auteur raconte comment, enfant âgé de 10 ans au moment du début de la guerre de 14, il a vécu cette dernière, éclairant récit des années 20 en Allemagne (avec, si j'ai bien suivi, un épisode d'inflation maousse vers 1923 qui a destabilisé la société allemande)et de la conjonction des évènements qui permettent l'arrivée au pouvoir des nazis.
Là, le bouquin devient passionnant, parce que l'auteur se met à expliquer comment l'arrivée au pouvoir des nazis se traduit en très peu de temps dans la vie quotidienne, comment la politique envahit la vie privée et publique de chaque allemand.
Le livre se termine par une belle réflexion tirée d'un "stage de formation" qu'est contraint d'effectuer l'auteur pour passer les dernières épreuves du concours de la magistrature: en gros une sorte de service militaire, qui n'a rien à voir avec la justice ou le droit, mais est redoutablement efficace pour obtenir la docilité de ceux qui vont rendre la justice. La camaraderie ou l'effet de groupe pour briser la résistance individuelle en somme.
Très intéressant, à ranger à côté de livres comme "LTI" de Klemperer.
"Un juge passe aux aveux" de Jacques Batigne
Les souvenirs judiciaires du président Batigne, qui après 15 ans de barreau est devenu magistrat au sortir de la seconde guerre mondiale, et a été juge d'instruction à Metz puis à Marseille, avant de devenir président d'une des chambres correctionnelles du tribunal de la Seine.
Le style est un peu plat, mais le ton franc, ça ne se lit pas trop mal. De par ses fonctions, à Marseille comme Juge d'instruction puis comme Président d'une chambre correctionnelle spécialisée dans le trafic de stupéfiants, Batigne a eu l'occasion de rencontrer le crime organisé (et Mémé Guérini). il a aussi connu de plusieurs affaires qui ont fait les gros titres (l'affaire des bijoux de la bégum, l'affaire Dominici).
Pas trop mal si on aime les bouquins de souvenirs judiciaires. Si tel n'est pas votre cas, passez votre chemin.
"J’appartiens donc à la justice, dit l’abbé. Dès lors, que pourrais-je te vouloir ? La justice ne veut rien de toi. Elle te prend quand tu viens et te laisse quand tu t’en vas."