Je suis d'accord avec Chavez et voilà ma critique Sens Critique compliant et shitstorm ready avec une introduction, un développement TL;DR et une conclusion :
Premier film de commande réalisé par Nicolas Winding Refn, Drive devait initialement être dirigé par Neil Marshall, avec Hugh Jackman dans le premier rôle. Rien de bien excitant. Heureusement, l’idée de confier le projet au réalisateur Danois de la trilogie Pusher a sans doute permit à Drive de transcender un scénario un peu banal pour devenir une chasse frénétique à travers la chaleur nocturne des rues d’un L.A. fantasmatique. Si cette histoire de héros solitaire lancé dans une traque vengeresse après la mafia n’a rien de très original, son traitement par NWR est épatant. Au lieu de réaliser un vulgaire Taken entrecoupé de courses poursuites, il décide de prendre totalement le contrepied et de miser sur l’atmosphère plutôt que sur l’action : « Drive parle d'un homme qui écoute des chansons pop dans sa voiture la nuit, parce qu'elles lui permettent de se libérer ».
Sous ce soleil de néons, les contours des personnages et des liens qu’ils tissent se dessinent en quelques phrases, par des sourires ou des regards. Ryan Gosling est toujours à l’écran mais semble être ailleurs, en apesanteur, coincé dans l’espace entre deux mondes. Il incarne ce héros solitaire très codifié, sans histoire, sans futur. Débarqué de nulle part, il finira par se dissoudre dans la ville et ses lumières artificielles. Les seconds rôles, un peu plus loquaces, sont tous plutôt bons, que ce soit Bryan Cranston (définitivement le mec le plus sympa du monde) ou Christina Hendricks, toute en rondeurs.
Régulièrement comparée à Collateral ou Miami Vice, la photo des scènes nocturnes est splendide et déborde de couleurs, de lumières tamisées et de textures qui contribuent à cette ambiance planante. Le film et son atmosphère sont à l’image des chansons pop façons 80’s de son excellente bande originale. Les synthétiseurs et les vocoders n'hésitent pas à se lancer dans les plus grandiloquentes envolées FM, mais s'installe très vite un évident malaise, cette mélancolie fulgurante qui, entre deux beats, traverse les conducteurs nocturnes qui reviennent de soirée, au moment ou l’euphorie de l’alcool commence à disparaître. Les pistes de Cliff Martinez sont réussies mais ce sont surtout les morceaux de Kavinsky et de College (découvert sur l’album du collectif nantais « Valérie and friends ») qui restent longtemps en tête.
Si la mise en scène est remarquable, ce n’est pas seulement pour sa maîtrise formelle et son inventivité clipesque qui nous amène parfois juste au bord du vide. Ce que j’ai trouvé vraiment exemplaire, c’est cette unité totale de style et de ton qui traverse le film, cette cohérence dans la manière de filmer la tendresse la plus pure ou la violence la plus bestiale. La scène de l’ascenseur illustre à elle seule cette parfaite continuité entre deux extrêmes, cette sauvagerie romantique. Même lorsque la tension augmente, le film reste drapé dans une sorte de douceur permanente grâce à un montage presque parfait.
Concernant son ultra violence, Drive est finalement assez sobre et peu complaisant. En dehors de quelques fulgurances gores, NWR ne cède pas à la facilité, au point de ne filmer que l’ombre de l’affrontement final.
Paradoxalement, en naviguant entre le cinéma urbain noir et ses codes et l’épure la plus simple, NWR a réussi à réaliser un très bon film de commande sans doute très personnel.
Laugh along with the common people.