Sujet : Mon repas de no
C'était la guerre.
En bon soldat, je m'attendais à une rude bataille. J'avais préparé le terrain.
Deux heures durant, j'avais fait de la muscu dans la matinée, puis j'avais sauté le déjeuner en me contentant d'un verre de bannane mixée avec du lait, un moceau de chocolat et un demi-cookie.
Les choses s'annonçaient favorablement, puisque la réception n'a commencé que tard. J'ai su reconnaître les biscuits apéritifs pour ce qu'ils étaient: des opérations de guerrilla cherchant à m'épuiser inutilement. Je ne me suis donc pas laissé distraire, j'ai grignoté quelques cacahouettes, une ou deux olives et une chips histoire de montrer que j'étais présent.
Puis nous sommes passés à table. Et les opérations proprement dites ont commencé.
L'ennemi connaissait mes faiblesses, parce qu'en guise de préparation d'artillerie, il a commencé par me mettre sous le nez un plateau rempli d'oeufs mimosa et de crevettes, accompagné d'un bol de mayonnaise maison (pourtant interdite par la convention de Meugève sur les armes diététiques). J'ai tenu bon sans faiblir tandis que les lipides éclataient tout autour de moi.
Cependant, je dois à l'histoire une chose: j'avais oublié le foie gras. Je sais qu'il vient toujours en deuxième, et pourtant, son annonce m'a saisi comme l'aurait fait le son d'une alerte aérienne. Et c'est presque en piqué qu'il aterrit dans mon assiette.
Du coup, quand le chapon est arrivé, mon moral était ébranlé. Quand je l'ai vu, massif, tel un carré de fantassins anglais, l'idée de waterloo m'a effleuré l'esprit. J'ai soutenu le choc, sans pouvoir dire néanmoins qu'il ne m'a en rien coûté. Tout était folie autour de moi, et je n'attendais plus qu'une chose: le dessert. Je l'attendais comme le voyageur assoiffé devine le puit par delà les dunes.
A ce moment on a apporté la suite: Dessert? C'était le fromage.
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme, etc.