Bien que nouveau, je me permets d'intervenir dans la discussion suite au conseil d'un membre déjà inscrit. En effet, on va dire que je suis plus ou moins concerné par le sujet en tant qu'auteur qui publie en numérique (et forcément intéressé par le sujet bien évidemment).
Pour lui l'epub était une vrai saloperie, et il fallait passer le bouquin à une boîte spécialisée qui faisait la conversion.
Malheureusement, ceci démontre une méconnaissance totale du sujet de sa part. EPUB, c'est quasiment de l'HTML basique. Le problème, c'est qu'au lieu d'embaucher une ou deux personnes pour gérer ça, les éditeurs sous-traitent à outrance… Faut dire qu'avec la crise, ils ont déjà viré les correcteurs (d'où les coquilles de plus en plus nombreuses dans les bouquins).
Or, ils acceptent de payer très cher parce qu'ils vont au plus facile. À savoir qu'en France, nous pouvons compter un leader de "la dématérialisation" : Jouve. Or, Jouve, c'est des fichiers EPUB réalisés en Chine ou en Inde par X personnes (une personne fait 2 ou 3 chapitres d'un bouquin). Ils font une offre d'appel iBookstore à 20 euros mais croyez-moi, on est à 200-250 euros minimum dans les faits, et il n'y a quasiment aucune vérif derrière. Or, Apple a intégré Jouve dans iTunes Connect et les éditeurs se reposent là-dessus au lieu de s'embêter à aller trouver des prestataires plus petits qui feront un boulot mille fois meilleur pour le même prix… (je me permets de mettre Apple en avant parce qu'ils occupent 60% du marché français niveau ventes, et Flammarion a d'ailleurs signé une exclu iBookstore - Kindle il y a deux jours).
Si aucun fichier-source numérique, on passe à la numérisation puis correction / mise en page et on tape dans les 1800 euros par livre… Or, un best-seller numérique, c'est 500 ventes en global.
Personnellement, un ePub, on le sort en une journée à partir de zéro (ce qui veut dire fichier RTF à mettre en page), debug et vérification incluse. Remarque importante, ce fichier ePub inclut très souvent vidéo, audio ou images (le plus chiant à coder).
Niveau tarif, on sort de l'enrichi à 4 ou 5 euros. Sur ce prix là, je touche autant que l'auteur à 20 euros en papier (il faut également souligner que sur les livres de poche, donc seconde exploitation, l'auteur ne touche plus que 5% du prix HT. Et encore, avec la crise, de plus en plus de contrats = "6% première exploitation quand possible, frais d'édition et de correction à la charge de l'auteur et prélevés sur droits d'auteurs, zéro avance").
Sur ces 5 euros, le revendeur prend 30%. On se tape 20% de TVA, l'éditeur prend le reste, soit à peu près autant que moi (et il a assuré prod contenu enrichi). Faites vos calculs.
Il faut également considérer que les éditeurs numériques sont à peu près tous dans ces tarifs-là, soit 4 à 5 euros. Les américains en auto-publication, ils touchent 70% du prix HT, ce qui leur permet de toucher autant à $3 en numérique qu'à $15 ou $20 en papier (le marché hardcover est d'ailleurs en train de s'écrouler. Le cinquantième du Top 50 nouvelles sorties US en couverture rigide, c'est 237 ventes en une semaine… le premier, c'est 5000 grand max). De plus en plus d'auteurs mid-list sont en train de prendre le virage de l'auto-publication parce qu'ils font déjà tout eux-même, de la correction à la promotion. En fait, la véritable révolution du numérique, elle s'est faite à ce niveau-là aux Etats-Unis, sur l'auto-publication qui a porté la dynamique et la croissance, qui a tiré le prix vers le bas et qui constitue maintenant un levier stratégique pour Amazon ou Barnes & Noble ou Kobo.
La précision importante sur ces droits d'auteur, c'est que les éditeurs numériques offrent un pourcentage beaucoup plus important parce que les économies peuvent être énormes si tout est bien pris en charge "in-house". Si tu sous-traîtes, tu perds tout le bénéfice du numérique et tu te plantes sur les tarifs et bénéfices… mais en France, nous avons la politique Lang qui a engendré un système monstrueux où, grosso modo, l'éditeur vend au libraire et plus au lecteur. Je ne vais pas donner des détails mais disons qu'il existe une pratique, l'office, qui tient quasiment du prêt à taux zéro et qui permet de faire la trésorerie de l'éditeur. Avec le numérique, le système explose totalement. Nous sommes dans une situation grotesque où 95% des livres ne sont pas rentables, sont imprimés en petits tirages et partent au pilon au bout de deux mois… imprimés pour être détruits. C'est un véritable massacre.