Sujet : Les juristes ne sont pas des anges.
J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer cette vérité fondamentale qu'être juriste, c'est être un peu bourrin sur les bords. Constatons-le à nouveau avec un peu de droit des contrats.
Bon, petite précision terminologique, l'execution en droit des contrat, c'est le fait qu'une des parties tienne ce à quoi elle s'est engagée. Si vous allez acheter le pain, et que la boulangère traîne pour vous servir, dites-lui "si vous persistez dans vos manoeuvres dilatoires qui ont pour but exclusif de vous soustraire à vos obligations, je me verrai dans l'obligation de vous adresser une mise en demeure, étape préalable à une résolution du contrat". Ce qui en langage courant signifie "Si tu n'as rien de mieux à faire que de me faire poireauter, et que toi et ta baguette vous êtes inséparables pour des raisons que la morale réprouve, j'irai à une autre boulangerie et tu ne verras pas la couleur de mon fric, grognasse."
En effet, le fait qu'une des parties n'execute pas son obligation est un motif d'annulation du contrat. Mais reprenons notre exemple. Si à ce moment un nuage de sauterelle descend sur Paris et bouffe toutes les baguettent de toutes les boulangeries, je ne pourrai pas reprocher à ma boulangère son inexecution. Celle-ci sera en effet la conséquence d'un cas de force majeure (un évènement irrésistible, imprévisible et extérieur au contratactant obligé). Par contre si les sauterelles laissent subsister une baguette vendue à prix d'or chez Fauchon, j'ai le droit d'exiger de ma boulangère qu'elle me la livre, en échange de mes 80 cents. En effet, le juriste considère qu'il n'y a pas de force majeure financière.
Or donc j'avais sous les yeux le manuel d'obligation de Jean Carbonnier qui a été jusqu'à sa mort le dieu vivant des civilistes, et voilà comment il exprimait la chose:
"Le créancier ne peut demander au débiteur de se tuer pour executer, mais il peut lui demander de se ruiner: plaie d'argent n'est pas mortelle."
Ah, les joies du droit civil...