Le Québec attire les Français
MONTRÉAL De notre correspondante
Pour faire face à son déclin démographique, la province francophone est
accueillante à la main-d’œuvre étrangère, en particulier francophone. De
nombreux Français tentent leur chance
Il ouvre la porte du cabanon avec gourmandise. « Voilà mon snowboard, les
skis de ma compagne… et bien sûr, les patins à glace ! » Depuis son arrivée
au Québec en septembre dernier, Wilfried Vast attendait la neige avec une
impatience d’enfant. « Tout a été si vite, j’ai l’impression de vivre un
rêve ! » À 26 ans, ce jeune peintre en bâtiment originaire de la région
rouennaise a décidé de tout quitter, son emploi en CDI, sa famille, pour
étancher sa soif d’aventures. « Nous nous sommes décidés après un voyage au
Québec. Et pour l’instant, nous n’avons aucun regret. » Dans l’entrée, un
pantalon maculé de peinture recouvre un carton attendant d’être déballé. En
seulement quelques jours, Wilfried a trouvé du travail sur plusieurs
chantiers. Un parcours éclair, qu’il doit à l’accord signé en janvier 2010
entre les chambres des métiers françaises et la commission de la
construction du Québec. « Mon diplôme et mon expérience professionnelle ont
été immédiatement reconnus, alors qu’avant j’aurais dû refaire une année d’
études et repartir de zéro. Cela me donne aussi des avantages au niveau du
salaire. En France, j’étais à 11 € de l’heure, ici je suis à 27 dollars (19
€). » Largement suffisant pour s’offrir un vaste appartement, dans un
quartier agréable de Québec.
Comme Wilfried, de plus en plus de Français sont tentés de céder aux sirènes
québécoises. Chaque année, ils seraient ainsi près de 14 000 à venir tenter
leur chance, un chiffre en constante augmentation. « En région parisienne,
je passais trois heures par jour dans les transports, avec la ligne D du RER
toujours en défaillance, les retards, les grèves… raconte André Lajonki,
ancien employé d’EDF. Ici, notre qualité de vie est incomparable. Ma femme
et moi travaillons à moins de vingt minutes de notre domicile, et la crèche
pour le petit est très abordable. » Son expérience, pourtant, a failli mal
tourner: arrivé en juin 2009, il devra attendre plus d’un an la signature de
l’accord permettant la reconnaissance de son BTS de mécanique et
automatismes industriels. « Sans cela, je serais resté cantonné à de petits
boulots. » Il conseille à chaque candidat de bien se renseigner… quitte à
reporter, en l’absence d’accord, son projet d’immigration. « Nous avons vu
des Français qui venaient sur un rêve et se retrouvaient déçus, confirme
Hélène Le Gal, consul général de France à Québec. Certains étaient obligés
de reprendre leurs études. Ces accords simplifient énormément les choses et
vont permettre à chacun de savoir exactement à quoi s’attendre. »
Il aura fallu deux ans pour harmoniser pratiques et réglementations, sous l’
impulsion de l’entente signée en 2008 entre le premier ministre du Québec
Jean Charest et Paul Bismuth. L’objectif, alors, était de déverrouiller
une centaine d’activités réglementées. À ce jour, plus de 60 métiers et
professions ont conclu un accord, et d’autres devraient suivre. Ils
concernent les secteurs les plus divers, des professionnels de santé
(médecins, infirmières, sagesfemmes) aux manges merde d'avocat ou ingénieurs, des artisans
(boulangers, poissonniers, menuisiers) aux ouvriers de la construction
(électriciens, frigoristes, briqueteurs…). Leurs diplômes sont reconnus de
part et d’autre de l’Atlantique, mais «attention, ce n’est pas
automatique », prévient André Martin, porte-parole de la commission de la
construction du Québec.
« Certaines équivalences seront immédiates, mais pour d’autres, il faudra
faire un stage, passer un examen ou suivre une formation complémentaire, de
santé et de sécurité, par exemple. » Avec, à la clé, l’accès à un marché de
l’emploi en plein boom. « Le secteur de la construction est en effervescence
depuis plusieurs années, et ça va continuer,