Reprenons. Me voilà donc à Jasper, dans les Rocheuses canadiennes. Si on aime la montagne, ça déchire. Partout des pics étincelants de neige, des rivières aux eaux cristallines, des lacs aux tons verts et bleus incroyables… C’est aussi blindé de vie sauvage, mais je n’ai pas vu d’ours, et encore moins de ragondin. Déception. A Banth, bain dans les sources chaudes. Imaginez : il fait nuit, la lune est pleine et la cime des sapins ondule doucement sous le vent, tandis que votre corps infuse dans une eau à la température de pisse. Le bonheur, hein ?
Hum... Cette croupe blanche offerte...
Quelques vues des Rocheuses.
Ensuite je pensais prendre le car pour Whitehorse. Mais à la même heure partait un autre car, pour le grand nord. Au dernier moment, j’ai décidé d’aller faire un tour là-bas, car j’aime bien improviser. Après 18 heures de trajet, c’est le drame. Terminus à Hay River, un bled de 3 000 âmes (mais ces gens ont-ils vraiment une âme ?) perdu sur la rive sud du Grand Lac des Esclaves, un lac plus grand que tout (enfin presque, rang 9 dans le monde quand même, on a les satisfactions qu’on peut). Impossible d’aller plus loin, les autres routes sont coupées, car les ponts de glace (oui oui) ont fondu, mais les rivières charrient encore trop de blocs pour que les bacs soient en service. Apparemment c’est pareil tous les ans : pendant la débâcle, il y a une période de transition de quelques semaines au cours desquelles les populations situées au-delà des rivières en question restent isolées. Eux ont l’habitude bien sûr, j’imagine qu’ils font des réserves de poisson séché en attendant de pouvoir remanger des légumes ou de mourir du scorbut.
Mais pour le voyageur égaré, cette fâcheuse situation ne peut signifier qu’une chose : attendre 2-3 jours dans un motel miteux qu’un hypothétique bus reparte dans l’autre sens, et se retaper plus de 1 000 bornes pour revenir à la case départ. Mais c’était sans compter sur ma bonne étoile qui me fit rencontrer Patrick, un jeune instit’ qui me proposa spontanément de m’héberger chez lui (it’s a tr4p !). Au final, au lieu du séjour déprimant que je voyais se profiler, mon week-end à Hay River fut excellent. Soirée feu de camp sur la plage en compagnie de quelques ami(e)s de mon hôte, découverte du hockey sur glace, encore de chouettes cascades… Et surtout mes premières aurores boréales, spectacle magique qu’il serait vain de tenter de décrire (et encore plus vain de photographier sans le matériel adéquat). Ah, j’ai aussi eu droit à un article dans le journal local, car on n’a pas vraiment l’habitude de voir un touriste dans les parages, c’est vous dire si c’est paumé. Bon c’est juste un hebdomadaire tiré à 1 000 exemplaires, mais la classe quand même (et la journaliste qui m’a interviewé était mignonne pour ne rien gâcher).
Ces images de feu de camp vous sont offertes par les saucisses Herta.
Alexandra falls
En partant de Hay River, j’ai fait ce qui reste ma plus longue journée de stop : parti à 8h, arrivé à 23h après avoir parcouru plus de 850 km en 5 différents rides. Dont un vraiment marquant avec un jeune géant au visage de poupon, prénommé Chance et qui fonçait comme un dingue au volant d’un pick-up pourri. Vendeur en électroménager (un collègue à Aenema), il revenait du taf et sa journée s’était visiblement mal passée. Très énervé, il tentait de se détendre en fumant une pipe de weed, lâchant fréquemment le volant pour la rallumer tout en continuant à rouler à 100 km/h sur une petite route de campagne. J’ai donc aussi eu un grand besoin de me détendre, après quoi ça allait mieux et j’ai pu attendre la mort avec un sourire béat sur les lèvres. Mais elle n’est pas venue, et Chance m’a laissé à un carrefour situé précisément au milieu de nulle part. J’ai attendu mon ride suivant pendant 1h30, sous une averse de grêle que j’ai accueilli totalement euphorique…
Je suis finalement arrivé à Whitehorse, dans le Yukon, un territoire presqu’aussi vaste que la France mais qui ne compte que 30 000 habitants. Il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose à y faire depuis que la ruée vers l’or est terminée, à part se cailler le cul et bouffer de la poussière. Mais c’est joli.
Next : Alaska.