Sujet : Tremé
Deux ans après le dernier épisode The Wire – the very meilleur de la série policière depuis Der Alte – HBO nous balance enfin sa nouvelle série vedette : Tremé. Pour les quatre dégénérés du fond qui préfèrent The Shield, ne jurent que par les séries british et matent Prison Break en cachette sur leur Ipad, rappelons que The Wire prenait place à Baltimore, Maryland, et traitait de lutte contre la criminalité dans les ghettos urbains, évoquant au passage l'inefficacité et la désorganisation des services de police, la corruption des pouvoirs publics, l'enfer de l'éducation dans les milieux populaires, jusqu'au fonctionnement de la presse locale, le tout d'une façon très crédible et excellemment scénarisée.
Avec Tremé, David Simon (le créateur de The Wire) nous embarque nettement plus au sud, dans le quartier éponyme de la Nouvelle Orléans, le "Faubourg Tremé".
Allez hop mettez-y ça à fond su'l'caisson d'basse pour l'ambiance.
Alors, précision préalable, parfois je spoile un peu, mais honnêtement, pour une série de ce genre, pas franchement basée sur le suspens, ça devrait rien gâcher. Par contre dans le dernier épisode de la troisième saison de Breaking Bad, Walt est sur le point de se faire flinguer par le détective privé chauve badass alors il appelle Bitchy Jesse qui flingue (avec tout plein des larmes dans ses ptits yeux tellement il a appris la valeur de la vie) l'autre scientifique assistant pour que Pollo machin n'ait plus de remplaçant sous le coude. Voila, c'est fait, ça vous laissera du temps pour matter Tremé du coup.
Nous voici donc à la Nouvelle Orléan, en 2005 selon le calendrier Grégorien, le président est toujours plutôt caucasien, les teintes pâles associées au noir et au fuchsia sont à la mode et la Louisiane vient se prendre Katrina dans la courge.
Autant vous dire qu'on n'est pas au top du glamour, ça glandouille les pieds dans la boue, ambiance rats crevés dans ton salon et armoires normandes posées sur quatre parpaings. D'ailleurs pour se saluer, on a abandonné le "ça va ?" au profit du "comment va ta baraque ?", en général on répond "me parle pas de ma baraque" et puis on danse déguisé en Indien en buvant de la Budweiser. On sent que les autorités hésitent un peu sur la conduite à tenir, elles relisent attentivement les vieux papelards des fois qu'y aurait un vice de procédure et que la Nouvelle Orléans serait toujours un DOM-TOM comme la Corse ou le Québec. Dans une manif' on peut d'ailleurs voir passer une pancarte "Chirac buy us back!". Pardonnez-les, ils ne savent pas ce qu'ils disent.
Alors, la Nouvelle Orléans, c'est cool. Vraiment. Ça m'a d'autant plus surpris que moi, sans vouloir me vanter, je connaissais déjà pas mal Orléans (le chef lieu du Loiret) et, globalement, c'est nul. Ça reste très limités en Indien et en Budweiser et les deux personnages les plus funs sont Jean Calvin et Jeanne D'arc. Wouhou la grosse déconne. Donc la Nouvelle Orléans c'est cool. Quand on n'est pas occupés à écoper, passer le balais ou enlever les cadavres de son jardin, on y bouffe bien, on joue de la musique toute la journée, on défile en dansant dans la rue en costume avec une ptite ombrelle ou on fabrique son costume pour le prochain défilé.
Dans Tremé, tout tourne autour de la musique et des musiciens, autant vous dire que si le Hot Jazz, le New Orleans et le Dixieland en général vous débectent, vous risquez de rapidement vous emmerder. Pas de panique pour les novices, c'est ce qui se fait de plus accessible comme jazz, ça tire un peu vers le Riot de temps à autres, à la limite du Hip Hop. Apparemment à la Nouvelle Orléans si tu chantes pas Joyeux Anniversaire ou si t'es du genre à garder le sac à main de ta copine en boite, tu passes vraiment pour le dernier des connards. Il faut danser tout le temps. Quand tu vas acheter des clopes, quand tu fais le plein de ta caisse, quand tu manges, quand tu fais ton caca, tu dois danser. Donc danse, ivrogne, danse pour ta Budweiser.
Bon mais il se passe aussi des trucs sérieux dans le Faubourg Tremé, on a droit à un rapide état des lieux de l'administration locale et de ses nombreux manquements notamment en terme de manutention de détenus, une description de la lente déliquescence de la cité, condamnée à n'être plus qu'un pôle touristique pour Japonnais fans de Jazz, à la gestion douteuse du parc immobilier de la ville. Donc on s'attaque aussi à de vrais problèmes de société, des sujets sérieux qui engagent notre avenir à tous, mais on le fait en dansant et buvant de la Budweiser alors ça va.
Niveau personnages, ça va, on est pas déçus. Déjà il y a les importés direct de The Wire :
Wendell Pierce as Antoine Batiste
On le retrouve dans son rôle de demi-tanche, loser mais quand même grave funky. Il joue du trombone comme un dieu ce qui, à la nouvelle Orléans, le classe dans la catégorie des musiciens moyens. Du coup il galère de gig en gig sans une thune pour payer son taxi et il a des gosses un peu partout.
Clarke Peters as Albert Lambreaux
Un putain de psychorigide à qui faut pas casser les noix (you don't fuck with Albert Lambreaux) mais qui, le soir venu, aime bien se déguiser en Indien. Chacun son truc hein. A la Nouvelle Orléans, les renois ont depuis longtemps repris les traditions indiennes à leur compte (un peu comme quand un asiat jure sur le coran dans le RER) et aiment bien s'organiser en tribus et fabriquer des costards en plume. Tant qu'ils font ça ils brulent pas des voitures hein.
Après y a les nouveaux qu'on connait parfois un peu :
John Goodman as Creighton Bernette
Ouiouioui c'est le gros de The Big Lebowski. Alors attention, il est au top niveau. Il joue un prof de lettres classiques à l'université du coin. Passionné par la culture de la Louisiane, il se lance dans des diatribes savoureuses qui lui font à chaque fois manquer la syncope de peu. Honnêtement faut en profiter, vu l'état du bonhomme, je sais pas si on le reverra en deuxième semaine.
Échantillon gratuit :
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Steve Zahn as Davis McAlary
C'est le gentil loser rigolo, plus ou moins musicien, plus ou moins DJ. D'une manière générale il fantasme sur la Nouvelle Orléans et rêve de devenir noir. Notez que parfois il est habillé.
Rob Brown as Delmond Lambreaux
Fils de Albert Lambreaux et trompettiste de grand talent. Contrairement à son paternel il est pas trop porté sur le délire Indiens, ça le fait pas trop marrer de se balader avec des plumes sur la gueule. Du coup il préfère trainer à New York où il est reconnu comme un excellent trompettiste qui ne joue pas du tout du New Orleans, il est plus du genre à balancer des lignes de be bop improbables à des publics de gebour venus écouter du Jââââzz. Du coup ça clache un peu avec le daron mais y a de l'amour alors ça va.
Lucia Micarelli as Annie & Michiel Huisman as Sonny
Les deux jeunes beau gosses qui jouent dans la rue. Sonny est un Hollandais qui rêvait depuis tout petit de venir à la Nouvelle Orléans. Il est là pour te faire rêver, toi, musicien européen tout pourri qui regarde Tremé pour t'encanailler un peu, tu PEUX venir à Tremé et jouer avec Antoine Baptiste et boire des Budweisers avec Davis McAlary. D'une manière générale Annie est bien meilleure que Sonny qui part un peu en couille d'ailleurs, à tel point que ça ne m'étonnerait pas qu'Annie envisage très sérieusement de se faire mettre une petite dragée vite fait par Davis. Enfin je putise, cela ne nous regarde pas.
Après y a une brochette milf de qualité supérieure, je sais pas si c'est la Bud qui conserve mais elles sont toutes trois au top.
Khandi Alexander as LaDonna Batiste-Williams
C'est l'ex d'Antoine Batiste et elle a plusieurs gosse à lui. Elle tient un rade dans le faubourg et faut pas la faire chier, si t'essayes de te barrer sans payer elle te latte les couilles avec un nerf-de-bœuf.
Kim Dickens as Janette Desautel
La pupute de Davis, elle tient un restau de cuisine traditionnelle de Louisiane (la bouffe locale c'est typiquement de la graisse de canard revenue dans du beurre avec une sauce au saindoux, je pense pas qu'elle en mange beaucoup) qu'elle a du mal à faire fonctionner après les inondations.
Melissa Leo as Toni Bernette
Femme de Creighton - le gros de The Big Lebowski - Bernette, avocate, elle travaille notamment sur le cas du frangin de Ladonna que l'administration a malheureusement paumé dans un déménagement.
Parmi les personnages récurrents on retrouve une blinde de musiciens qui jouent leur propre rôle. Au hasard, tout le Rebirth Brass Band (vu sur RN), Elvis Costelo, Troy Andrews, le Treme Brass Band...
Voila voila, j'arrête là, j'étais un peu sceptique au début, je pensais que ça allait être simplement chiant et puis je me suis pris au jeu. La première saison va pas tarder à s'achever, je ne sais pas ce qu'ils ont prévu pour la suite mais cette dizaine d'épisode suffit à construire quelque chose de franchement savoureux. Si vous aimez cette musique, foncez, si vous voulez vous plonger dans un univers franchement différent et découvrir à fond une autre culture musicale, foncez aussi mais moins vite, si ça vous tente vraiment pas : FUCK YOU YOU FUCKING FUCKS (c).
Un petit défaut quand même, on pourrait reprocher à la série une vision un peu plus complaisante que celle qui nous était offerte dans The Wire, à part un rapide passage à tabac et une petite clacoute de rien du tout par le petit pédé hollandais dans la courge de sa concubine, une vague trace de coke sur un bar, rien de bien méchant, à croire que la vie à la Nouvelle Orléans est sans grands dangers et, niveau violence visuelle, ça se rapproche un peu des Simpsons.