Sujet : Ca y est, j'ai la baraka!
La tarte chèvre-poireaux d'hier soir n'a été qu'une formalité, et le poisson-vapeur de ce midi était rose à l'arête. Bref, j’étais en confiance.
Du coup, quand est venue l’heure de poêler mon pavé de bœuf que je comptais me goinfrer avec une purée maison réchauffée, l’idée de faire une béarnaise m’a titillé.
La Béarnaise, c’est une sauce chaude : on émulsionne des jaunes d’œufs additionnés d’un jus corsé (obtenu par réduction d’un vinaigre dans lequel on a fait revenir échalotes et d’ail) avec du beurre fondu.
Les sauces chaudes, c’est classe pour une raison : ça ne pardonne pas. C’est réussi ou c’est raté. La Béarnaise est facile à rater. Si vous avez déjà mangé des œufs au plat, vous savez à quelle vitesse le jaune d’œuf coagule, même sans être chauffé. Or si le jaune coagule, votre béarnaise « tourne » : elle est ratée.
Personne n’est à l’abri, pas même les plus grands. Tout le monde s’échange sous le manteau des trucs pour tenter de sauver, au moins en apparence, une béarnaise qui a tourné.
Quand je me lance dans la préparation d’une béarnaise, c’est avec en tête le spectre ricanant de l’échec. Le verbe « Tourner » et toutes ses conjugaisons et dérivés sont bannis. Ce n’est qu’une fois la Béarnaise réussie servie à table que je respire.
Celle que j’ai fait ce soir était parfaite. J’ai tout contrôlé. De bout en bout. A l’heure qu’il est, mon taux de cholestérol crève le plafond (3 jaunes d’œufs + 150g de beurre quand même), un sourire fat et satisfait s’affiche sur mon visage, et ma douce et tendre doit être en train de s’envoyer un étudiant en école de commerce bourré (parce que là c’est du niveau de la chance de cocu).
Alors que mon foie manifeste sous des banderoles qui proclament « vive la crise ! », mon regard tombe sur les blancs d’œufs. Ils sont séparés de leurs jaunes, ils ne tiendront pas plus de douze heures dans mon frigo (source : dgccrf), leur destin sera sans doute la cuvette des chiottes.
Allez, pas d’hésitation, le diabète nous voilà, c’est un soir à faire des meringues.
Alors comme le dit buzz l’éclair, «en avant vers l’infini et au delà ! »