Sujet : djihad sur les goug?res
Les gougères, c’est mystique. La plupart du temps, cuisiner se résume à préparer un certain nombre d’ingrédients (on coupe les légumes et la viande, on hache les herbes), et à les mélanger avant ou après une éventuelle cuisson. Les gougères, c’est différent.
Il y a des plats qui semblent compliqués à préparer et qui en fait sont relativement simples : les nems et les sushi par exemple. Pas difficile, juste un tour de main qui prend du temps. Les gougères c’est l’inverse.
Les gougères, c’est l’entrée de plain pied dans un monde où cuisiner, c’est transformer les ingrédients. C’est un monde de magie.
Pas besoin de pentacles (mais si ça rate vous pourrez invoquer les démons), juste une casserole et un four.
Quand aux ingrédients, difficile de trouver plus banal : œufs, farine, beurre, sel, fromage. Quoique faites quand même un effort sur le fromage, il est essentiel. Prenez un morceau de fromage plutôt que du déjà râpé et préférez comté ou beaufort à l’emmental.
Bon, le début est relativement classique : avec le beurre, la farine et le sel vous faites une pâte à choux. Ensuite vous ajoutez les œufs un par un , et enfin le fromage. Ensuite vous mettez des cuillers de pâte dans un plat à four beurré que vous enfournez.
Tout ça c’est consensuel, le reste a été l’objet d’innombrables guerres de religion. Pourquoi ? Parce que chacun se déchire sur ce qu’il y a à faire à chacune de ces étapes, car chacun a en tête ce que ça doit donner au final : des choux au fromage dorés et bien gonflés.
Un élément essentiel de la théologie catholique c’est l’ascension. Pour les gougères c’est pareil. Je suis prêt à sacrifier des aurochs par centaines si ça peut les faire monter un peu plus. Parce qu’une fois la porte du four refermée, la seule question que vous vous poserez c’est « est-ce qu’elle monte ? ». Et vous savez, d’avance, que si la gougère ne monte pas, vous aurez droit à ces discours plus blessants que consolants « c’était bon quand même », « ne t’inquiètes pas, ça arrive même aux meilleurs ». De votre côté, avec vos « je ne comprends pas, c’est la première fois que ça m’arrive » et vos « excusez-moi, c’est la première fois pour moi »(spécial débutants en gougères), vous atteindrez des sommets dans le pitoyable.
Si par contre la gougère monte, vous pourrez lancer d’un air fier votre « alors, heureux(se) ? » .
Donc faut que la gougère monte. Et pour ça tous les moyens sont bons. Certes les dernières études scientifiques ont révélé qu’exécuter la « danse de la gougère » n’avait aucun impact. Mais les gens sont prêts à tout. Un individu abject (qui se disait mon ami )m’a avoué utiliser des préparations pour gougères achetées en supermarché. Je l’ai balancé dans la Seine les pieds coulés dans du gouda. Il y a des choses qui méritent la mort.
Je ne peux prétendre à 100% de réussite (je serai plutôt autour de 80%) mais je peux vous aider à crever de chaud (parce qu’au moment où j’écris ça il fait 30° et faire marcher son four aggrave les choses) en vous donnant ma recette et quelques trucs.
Les ingrédients
Il vous faut
100 à 125 g de Beurre
180 à 200 g de Farine
4 Œufs
100 g de Fromage
D’abord il faut faire une pâte à choux.
Faites préchauffer le four à 200-210°
Pour la pate à choux, vous versez ¼ de litre d’eau dans une casserole et vous ajoutez une pincée de sel. Ensuite il faut ajouter le beurre en petits morceaux. Le beurre doit être très froid (personnellement je le met au congélo quelques minutes)
C’est parti, vous faites chauffer la casserole à bloc ( sans doute difficile avec des plaques, j’ai jamais essayé, peut-être en les faisant préchauffer). Dès que ça bout vous comptez 20-30 s et vous ôtez la casserole du feu. Tout de suite, ajoutez toute la farine et remuez avec une cuiller en bois. Ca doit donner une pâte épaisse, relativement homogène qui ne colle pas aux bords de la casserole. Si la pâte est trop collante, remettez-la un peu sur le feu en remuant pour la dessécher.
Ensuite vous laissez refroidir un peu et vous ajoutez les œufs un par un en remuant après chaque œuf pour incorporer entièrement l’œuf au mélange.
Enfin vous ajoutez le fromage.
Une fois que vous avez votre préparation, vous formez des boulettes de pâtes, mettez-les dans un plat beurré allant au four en les espaçant.
Vous enfournez à mi hauteur pour 40 minutes environ (+ ou – 5 minutes selon taille des boulettes, puissance du four, configuration des astres)
Théoriquement des gougères gonflées devraient en ressortir.
Cependant ce n’est là qu’une théorie, et plusieurs points font débat.
1) A quel moment retirer la casserole du feu ?
Personnellement, je la retire quand ça bout, que le beurre a en partie fondu, mais qu’il reste quelques morceaux.
2) 4 oeufs ?
Allez, si ça rend votre pâte trop liquide, vous pouvez descendre à 3
Sinon il y a une secte qui ajoute à la pâte les jaunes et qui bat les blancs en neige pour les rajouter juste avant la cuisson.
3) et le fromage, dans quel état ?
J’ai longtemps fait partie de l’école de la râpe argentée. Vous pouvez faire comme moi. Mais des fanatiques bourguignons ont piégé ma boite aux lettres et j’ai échappé de peu à la mort. Leur communiqué de revendication précise que le fromage doit être ajouté en petits cubes de 0,35 mm de côté.
4) Qu’ajouter d’autre à ma pâte ?
Des herbes hachées (ciboulette rulez), de la noix de muscade, mais tout ceci est facultatif.
[b]5) le four à 205° alors ?
Vous pouvez. Mais après avoir lutté avec un colosse, celui-ci s’est révélé être cuisinier dans un restaurant céleste (je veux dire étoilé). Interrogé sur les gougères, il a tout d’abord refusé de parler. Mais les clefs de bras délient les langues. D’après lui l’idéal est d’enfourner à four très chaud (250-260°) et d’attendre quelques minutes le temps que les gougères prennent leur forme, puis vous entrouvrez le four quelques secondes et vous baissez à 180° pour la suite de la cuisson.
A ce propos n’ouvrez jamais le four en cour de cuisson en dehors de cette hypothèse, ou ça retombe et là, c’est dramatique.
Que dire de plus ? Servez chaud dès que c’est prêt avec une salade verte et un bourgogne blanc et si elles n’ont pas monté, vous pourrez vous en prendre à moi…
Bonne chance et que l’ascension soit avec vous.