Re : Comment on va faire ???
Je n’ai aucun ouvrage à ma disposition, ce qui ne justifie pas mon manque de rigueur. Je reviens donc sur ma remarque : Je dis simplement que la qualification de contrat de travail ne suffit pas à donner à la prestation un caractère légal : en effet, seules les choses qui sont dans le commerce peuvent faire l’objet de conventions. Avant même de qualifier la nature de la convention (y compris le contrat de travail) il convient de s’assurer qu’elle porte sur une chose qui soit dans le commerce.
Au risque de me répéter, nous ne sommes pas d'accord. Une prestation n'est pas une chose, c'est pourquoi on ne peut parler de "vendre son corps" à propos du contrat d'une actrice de film pornographique.
La prestation est effectuée à titre onéreux, en cas de procès, les juges feront une application stricte de l’article 1128, qui contrairement à ce que tu affirmes, fait directement entrer la morale dans notre droit. (Je parlais indifféremment d’éthique ou de morale, parce qu’effectivement les notions sont très proches).
Ce principe de la bonne moralité des conventions est énoncé distinctement dans les articles 1131 et 1133 du code civil qui disposent que "l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet", et que "la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public"
Là on parle de droit des obligations, et je suis tout à fait d'accord avec toi, les articles 1128(objet), 1131 et 1133 (cause) posent des règles relative à la conformité de l'objet et de la cause du contrat à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Tu auras remarqué que j'évoque le sujet, quand je dis:
thedarkdreamer avait écrit
Si à travers la notion de bonne moeurs, le droit a pu se faire le porte drapeau d'une certaine morale sexuelle, on ne peut que constater le déclin de la notion de bonnes moeurs prises dans cette acception (voir par exemple l'article de Fenouillet dans les mélanges Catala, 2001). Dans son manuel de droit des obligations, Alain Bénabent s'interroge "un contrat relatif à des photos érotiques serait-il encore nul?". Ce qui compte ici est le "encore", qui indique bien que la notion de bonnes moeurs est une notion cadre évolutive dont se sert le juge. Et que parallèlement à leur désuétude, le carcan des bonnes moeurs se fait aujourd'hui plus lâche.
Le déclin des bonnes moeurs en tant que morale sexuelle est indéniable, il n'est qu'à regarder le sort des donations faites au concubin aldultère dans la jurisprudence de la Cour de Cassation pour le réaliser(en gros les dons faits par lépoux à sa maîtresse étaient auparavants annulés sous certaines conditions, disons que la jurisprudence récente de la Cour de Cassation est plus que tolérante). Je suis donc en désaccord avec toi quand tu affirmes que les juges feront une application stricte des article 1128, 1131 et 1133 sauf s'il s'agit de dire que les juges se borneront à annuler pour cause illicite les contrats civils constitutifs de délit pénal (Convention de proxénétisme, par exemple). Ce que le contrat de travail d'une actrice pornographique ne constitue pas: la prostitution n'est pas un délit (même si l'incrimination du raccolage passif permet sa répression indirecte si elle se fait sur la voie publique), et ressort même de la liberté du commerce et de l'industrie (Est-il besoin de citer ici l'arrêt Dame Dol et Laurent qui a fait ricaner chaque publiciste?).
Enfin, nous pouvons revenir aux articles 16 et suivants du code civil : article 16-1 principalement : Chacun a droit au respect de son corps.
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. »
Article 16-5 ensuite : Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles.
Là encore, pour que ces dispositions s'appliquent, il serait nécessaire que l'activité d'actrice pornographique entre dans son domaine. Or au risque de me répéter, ce n'est pas le corps de l'acteur ou de l'actrice qui est l'objet de la convention, mais une prestation, de même que le kinésithérapeute qui fait un massage ne vend pas son corps. Le corps est d'ailleurs respecté, puisqu'il y a consentement de l'acteur: la maxime "noli me tangere" est sauve.
L’ensemble de ces élément peuvent à mon sens influencer le juge et emporter sa conviction qu’il ne peut y avoir de convention qui ne soit frappée de nullité lorsqu’elles concernent le paiement de faveurs sexuelles. Je ne sais pas ce que ça donnerait en cassation. Mais je réitère que c’est plaidable, et je ne partage pas ton point de vue à ce sujet. (en fait si je sais, je suis de mauvaise foi, la cour de cassation estime qu'il ne peut y avoir de réglementations ayant pour copnséquence l'impossibilité d'exercer le plus vieux métier du monde).
Bien sûr, le droit à disposer de son corps et le droit au respect de la vie privée viennent tout mettre en l’air, et s’appliquent en matière de prostitution. La loi de 46 sur la fermeture des maisons de tolérances, les lois fiscales concernant les revenus de la prostitution bnc) montrent la position de l’Etat en la matière. Cependant, tout ceci reste bien délicat. Et puis ce n’est pas ton argumentation :-) .
Les textes sur le racolage et le proxénétisme viennent par ailleurs montrer que la prostitution est possible. Cependant, l’absence de loi pénale concernant la prostitution ne signifie en rien que les conventions portant sur le consentement à un rapport sexuel soit valables.
Mais ici, intervient le proxénétisme, qui se définit par l’exploitation de la prostitution par un tiers. Il y a prostitution, puisqu’il y a rapport sexuel contre rémunération, et il y a proxénétisme, puisque cette prostitution est exploitée par un tiers.
Encore une fois, la jurisprudence de la cour de cassation a notoirement considérablement évolué sur la question des bonnes moeurs. Le jugement de première instance critiqué par Puech que je citais plus haut annulait une convention de strip-tease intégral, en invoquant notamment le fait qu'un tel contrat n'était pas suceptible de faire l'objet d'une execution forcée.
Or, pour en revenir aux articles 1131 et 1133, la cause du contrat (exploitation de la prostitution) est illicite, car prohibée par la loi. Les contrats sont nuls ainsi que ceux qui concernent l’exploitation de la prostitution et par voie de conséquence donc la vente des droits qui n’existent pas.
Il me semble difficile partant de là de pouvoir exiger un paiement qui ferait directement entrer dans la catégorie des proxénètes le demandeur.
Le cul doit donc être gratuit. Et rien n’oblige à payer pour le voir.
Là encore, le contrat d'acteur pornographique ne s'analysant pas simplement en convention de prostitution, la cause du contrat ne peut s'analyser à mon sens comme une simple exploitation de la prostitution, mais bien comme la réalisation d'une oeuvre cinématographique à caractère pornographique. Or si l'exploitation et la diffusion de telles oeuvres relèvent d'un régime particulier organisé spécifiquement par la loi,
à aucun moment le législateur n'a entendu interdire de telles oeuvres de manière générale et absolue. Partant, leur réalisation est donc licite, un contrat visant à cette réalisation l'étant donc également.
Sinon, je ne t'ai pas repris sur ta première évocation du droit pénal quand tu affirmais que le film pornographique était une chose hors commerce, il n'était pas possible de se rendre coupable du délit de vol sur une telle chose. outre le fait que la reproduction à l'aide de réseau informatique de tels oeuvres, s'apparente davantage à de la contrefaçon, il est possible de voler une chose hors du commerce. La "chose" visée par l'article qui réprime le vol (311-1 si je ne m'abuse)n'a pas besoin d'être dans le commerce. Il est possible de se rendre coupable du vol d'un organe (vol d'un organe dans une banque d'organes, par exemple).
Tu me sembles faire une confusion sur le délit de proxénétisme. Je me documente, si tu veux, et on en reparle?