Ça c'est passé il y'a presque 10 ans, mes souvenirs ne sont peut être pas exacts. Ce fut ma dernière expérience de spéléologie et en substance en voila le récit.
J'avais déjà testé la spéléologie en colonie de vacances en Ardèche. Le plus "petit" boyau faisait tout de même trois mètres de haut et deux de large. Rien de bien effrayant ma foi.
Non, là c'était avec un ami de la famille. En Charente-Maritime. Nous étions trois, deux pros et moi-même. Histoire de me mettre dans le "bain", on m'annonce que nous n'avons qu'une "plage" de 8 heures pour entrer et sortir car la marée nous bloquera si on tarde... Rien de bien dangereux, nous avions tout l'équipement de sécurité et de quoi tenir le temps que la marée redescende au cas ou. Notez aussi que la grotte en elle-même n'est pas spécialement grande mais commence par quelques difficultés, les seules d'ailleurs.
Pour commencer une chatière. En gros c'est un passage si étroit qu'il faut passer le sac en premier, puis on s'y glisse en tendant un bras devant et en laissant l'autre le long du corps pour faire passer les épaules. N'étant pas un expert je passe en second. Suite à cela arrive un passage d'environ deux mètres de long, au-dessus d'un trou ! Pour visualiser le boyau, imaginez, pour la "coupe", une goutte à l'envers mais ouverte sur le bas et ce, comme je l'ai dis, sur 2 mètres. Sachez que c'est long deux mètres quand on rampe sur le dos en poussant un sac "au devant" de soit avec l'impossibilité de plier les genoux car le sommet du conduit est à soixante centimètre... Il nous a fallu presque une heure rien que pour ces deux passages. Mon inexpérience aidant.
Puis vint la troisième et dernière difficulté. Un passage en "Z", toujours dans un étroit boyau. La technique est la suivante. On avance, toujours sur le dos, la tête en avant, en poussant le sac, dans la première branche du Z. Au premier coude on se regroupe, on pivote pour placer les jambes dans la seconde branche puis on avance les pieds en avant, en tirant le sac. Sachez qu'on avance beaucoup moins vite sur le dos les pieds en avant, déjà que ça n'allais pas vite...
Je commençais à angoisser un peu. Il fait noir dans une grotte. Ce que je veux dire c'est que, malgré la faible lueur des lampes de nos casques, on y voie goutte. Surtout dans un conduit aussi étroit, avec un sac devant masquant la lueur de la lampe de mon coéquipier de devant et le sac de mon coéquipier de derrière masquant la lueur de la sienne. En plus on entend rien, à part sa respiration, son coeur et les frottements lents de sa combinaison contre la pierre froide, il n'y a aucun son. Là on se sent seul. Impuissant. Aussi fort que l'on pousse, on ne pourra jamais plier les genoux complètement ni écarter les bras, ni se redresser, ni se tourner, ni... rien. En d'autres termes on se sent comme dans un cercueil. L'impression de faiblesse face à l'élément "terre" est tangible.
Nous sommes des bipèdes issues des plaines et diurnes en plus ! Et remettre cela en question est assez dérangeant pour le profane.
Nous étions là depuis presque deux heures, avançant péniblement. Et justement, là, coincé sous des tonnes de pierre, sur le dos, allongé sur le sol glacé d'un conduit de soixante centimètres de haut, l'angoisse déjà montante, enveloppé par une obscurité presque palpable, ce n'est ni l'endroit ni le moment d'avoir une crise d'angoisse... Et pourtant. C'est ce qui est arrivé. A mon coéquipier de devant ! Pas une véritable crise d'angoisse je le concède, juste une peur difficilement contrôlable face à une fatigue qui l'étreignit soudain. Il nous dit, simplement, doucement, mais avec la voie tremblante : " Je n'en peu plus... Il faut que je sorte". Et bien là, dans ce simulacre de tombeau, à cet instant, où le temps m'a semblé soudainement bien long, j'ai vraiment eu peur. Je voyais déjà les secouristes sortir nos corps inanimés, froids et secs des entrailles de la terre...
Bien sur, si j'écris ce texte c'est que tout c'est bien terminé. L'ami, qui fermait la marche nous a dit de lui faire passer les sacs, opération complexe mais réalisé sans encombre, puis il est sorti avec. Il est revenu, m'a aidé à sortir, puis y est retourné pour aider le dernier à sortir.